Munich-C_04-16-05aD’ici peu, une thèse devrait être soutenue sur les comportements des Allemands face au massacre d’Oradour-sur-Glane. Son auteur, l’historienne Andrea Erkenbrecher, experte auprès du parquet de Dortmund, a tenu une conférence à l’initiative du CMO et de la municipalité d’Oradour, le 1er avril. Après une introduction de Benoît Sadry, qui a récapitulé les vicissitudes de la justice en France sur ce massacre, un « crime impuni », Andrea Erkenbrecher a présenté ses recherches sur les procédures engagées et entravées outre-Rhin., sous un titre synthétique : « Omissions, non lieux et un procès exemplaire (?) »

De sa présentation détaillée et méthodique, retenons d’une part que nombreux ont été les Waffen-SS impliqués dans le massacre d’Oradour épargnés par l’hécatombe de la fin de la guerre : 69 survivants en 1945, soit près de la moitié de l’effectif, et encore 48 en 1994 étaient susceptibles de poursuites ; d’autre part, que la justice de la République fédérale a procédé à une douzaine de mises en examen, toutes closes par des non-lieux, et à deux enquêtes sans suite. Sur la dernière en date, Andrea Erkenbrecher est tenue par un devoir de réserve.

La conférencière a précisé qu’en droit allemand la distinction entre homicide et meurtre en temps de guerre est déterminante ; seul le second est imprescriptible ; la qualification (selon des critères de préméditation, de cruauté, de cupidité, de discrimination…) est difficile à établir.

A l’origine de l’impunité ainsi constatée, des omissions et des obstructions de diverses origines : de la part des autorités de la RFA, des puissances occupantes, dans un contexte de reconstruction, de guerre froide et de partition de l’Allemagne ; en RDA, le massacre a été instrumentalisé pour se démarquer de la partie occidentale ; le régime n’a ouvert qu’un procès tardif, érigé en exemple (procès Heinz Barth, 1983). Les autorités françaises ont manqué de constance dans les demandes d’extradition ; elles n’ont pas communiqué d’éléments à charge suffisants pour obtenir celle du général Lammerding, le plus haut responsable de la division Das Reich.

Au terme de son exposé, elle a exprimé le regret des occasions manquées : « Aujourd’hui on voudrait, on ne peut plus… ».

Cette intervention augure d’une étude rigoureuse et précieuse pour l’histoire du crime de guerre commis à Oradour. Dans un proche avenir, nous espérons que la thèse d’Andrea Erkenbrecher bénéficiera d’une large publicité et d’une édition française, attendue avec le plus vif intérêt.

Philippe Pommier