Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale,
Monsieur le Président François Hollande,
Votre excellence Monsieur 1’Ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne,
Madame la Préfète de la Haute-Vienne,
Madame la Consule Générale d’Allemagne,
Monsieur le Président de 1’Association Nationale des Familles des Martyrs, cher Benoît Sadry,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Vice- Présidente de la Région Nouvelle-Aquitaine,
Monsieur le Président du Conseil Départemental de la Haute-Vienne,
Monsieur le Président du Centre de la Mémoire, Cher Fabrice Escure,
Madame la Présidente et les membres de 1’Association des Amis de Robert Hébras, Histoire, Vigilance, Réconciliation,
Monsieur le Maire Honoraire d’Oradour-Sur-Glane,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités
Cher Richard, Chère Agathe, Chère Famille, Chers amis venus du Limousin, de France et de l’étranger,

Il avait rêvé d’être mécanicien dans le village où il était né le 29 juin 1925.
Il avait rêvé le midi après son travail de déjeuner dans la maison où il avait grandi auprès de sa maman et de sa famille.
Il avait rêvé le soir après la débauche de retrouver ses amis, Henri, Mimi, André, Marcel et tant d’autres au café du chêne pour partager un moment de convivialité autour d’un verre en refaisant le monde et en évoquant l’actualité du moment.
Il avait rêvé de ces dimanches paisibles à l’aube d’une journée lumineuse dans cette petite ville du limousin bercée par la Glane et le chant des oiseaux.
Il avait rêvé d’une vie simple et tranquille.

Hélas, des honnies en avaient décidé autrement.
Ce 10 juin 1944, la vie de Robert HEBRAS bascule comme celle des familles d’Oradour. L’arrivée de la division Das Reich, le rassemblement de la population, la séparation, un dernier regard de sa maman plein d’angoisse, puis Robert et ses camarades sont conduits dans la grange Laudy.
Dès lors, L’attente commence puis c’est le signal de la mitraille les plaintes, les gémissements, les soldats SS qui donnent les coups de grâce puis c’est l’embrasement.
Robert tente de sortir du brasier. Après de longs moments, il trouve refuge dans des étables jouxtant la grange.
Au bout de longues minutes, il y retrouve d’autres hommes Mathieu Borie, Yvon Roby, Clément Broussaudier, Marcel Darthout. Ils finissent les uns et les autres par s’extirper de cet enfer.
Pierre Poutaraud, le garagiste sera abattu dans sa fuite par une sentinelle

Aujourd’hui, nous pensons bien sûr et comme toujours à nos martyrs, aux familles, à celles et ceux, qui, toute leur vie, ont vécu dans le souvenir de cette journée d’épouvante.

Nous avons une pensée particulière pour Renée MANEUF, disparue en octobre dernier, Amélie LEBRAUD et Camille BARDET qui nous ont quitté il y a quelques jours.
Nous apportons toute notre affection à Camille SENON et André DESOURTEAUX, venus rendre hommage à leur ami.
Ce jour funeste du 10 juin 1944, Robert perd sa maman et ses deux sœurs, massacrées et brûlées dans l’église mais aussi ses nombreux amis.
Son village est entièrement incendié et détruit.
Le traumatisme est immense pour ce jeune garçon encore plein d’insouciance.
En cette période de conflit, il n’y avait pas de cellules psychologiques comme celles que l’on connaît de nos jours. Il ne fallait compter que sur soi-même pour lutter contre cette douleur indescriptible et dévastatrice et tenter de se reconstruire.

Puis ce fût, l’engagement dans la résistance avant que ne cesse cette guerre, puis la reconstruction d’Oradour et enfin ce garage qu’il allait exploiter pendant plusieurs années dans le nouveau village.

Dans le même temps, Robert fonda un foyer avec sa première épouse Yvonne : de cette union naitra son fils Richard.

Il exerça par la suite son activité professionnelle à Saint-Junien avant de prendre une retraite bien méritée auprès de Christiane dans sa maison de Perrier Bord.
C’est à partir de 1983, au moment du procès d’Heinz Barth à Berlin Est, que Robert va consacrer le restant de sa vie à la transmission de la mémoire. Il fait la rencontre d’un allemand qui deviendra son grand ami « Fritz KORBER ». Ce dernier le présentera au chancelier Willy BRANDT.
Robert HEBRAS va s’engager pleinement dans la transmission de la mémoire aidé en cela par ses puissantes convictions européennes. Il recevra de très nombreux groupes et délégations avec un attachement particulier aux plus jeunes auxquels il racontera son histoire tragique.

Il va s’évertuer ainsi à participer activement à la réconciliation avec 1’Allemagne nouant des liens solides Outre Rhin.

Son action aura indiscutablement permis d’aboutir à cette journée du 4 septembre 2013 avec la venue des deux Présidents allemand et français Joachim GAUCK et François HOLLANDE. Cette journée de réconciliation fût un grand moment chargé d’émotion et cette photo de Robert et des deux présidents dans l’église détruite figure à jamais dans notre histoire collective.

En 20!7, il accompagnait dans un moment intime le Président Emmanuel MACRON et des jeunes venus des 4 coins de France en leur expliquant inlassablement l’histoire de cette journée tragique du 1 0 juin où 643 martyrs avaient perdu la vie en apportant à nouveau son témoignage pour qu’ils deviennent à leur tour des passeurs de mémoire.

Au cours de cette même année 2017, nous recevions la troupe allemande de Cadolzburg pour une représentation unique de la comédie musicale « Mademoiselle Marie » ici dans notre ville. Je me souviens combien Robert était ému et heureux de cette évolution positive et de cette amitié qui se concrétisait.

L’engagement de Robert HEBRAS, ses actions en sa qualité de « témoin » du massacre du 10 juin, notamment auprès des plus jeunes, sa volonté perpétuelle d’être un « faiseur » de paix, ont été reconnus par la France mais aussi au-delà des frontières.

Robert HEBRAS recevra l’hommage de la Nation au travers de nombreuses distinctions : il était Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre des Palmes Académiques, Commandeur de l’Ordre National du Mérite, décoration remise en janvier 2022 par le Président de la République.

L’Allemagne a, quant à elle, élevé Robert HEBRAS au titre de Croix d’Officier de l’Ordre du Mérite Allemand, ce qui démontre combien sa détermination en qualité de facilitateur de paix était reconnue au-delà des frontières nationales.

Celui qui a œuvré et passé sa vie à la réconciliation des peuples a été distingué par le Parlement Européen en 2017 : la conscience citoyenne de cet Européen convaincu a ainsi été saluée.

Les dernières années de sa vie, Robert avait décidé de passer le témoin à Agathe sa petite fille pour que la transmission de son message puisse perdurer.

Il savait également qu’il pouvait compter sur nous pour ne pas oublier et pour porter ce message de paix, de fraternité et d’espoir.

Sa voix, cette voix si particulière, vient de s’éteindre mais elle continuera de raisonner dans notre esprit et dans nos cœurs

Son regard portait en lui cette lumière de l’espérance, celle d’un monde de tolérance et d’humanisme.

Il est de notre devoir à tous ici réunis de porter ensemble l’héritage que Robert HEBRAS nous laisse.
Il nous revient de poursuivre ensemble ce travail de mémoire et de défendre les belles valeurs qu’il portait.

Un grand monsieur vient de disparaitre.
Il était un homme d’exception qui mérite notre respect et notre affection. Il était pour certain un ami, un frère, pour d’autres une connaissance, il était le dernier témoin.
Il était Robert HEBRAS.
Toutes et tous aujourd’hui, nous lui témoignons de notre très grande considération.

Denis DIDEROT écrivait :
« La mémoire, c ‘est cette propriété qu’a le vivant de transcender le temps. Elle assure à la fois la survivance du passé et la persistance du présent dans l ‘avenir ».

Robert HEBRAS était cette mémoire.
Nous poursuivons à notre tour, dès aujourd’hui, la mission qui était sienne, pour ne jamais oublier …et pour que perdure cette transmission au-delà des ans, au-delà des temps. Pour que l’histoire de Robert HEBRAS perdure dans la grande Histoire, et pour pouvoir reprendre les mots qu’il a écrit des dizaines, des centaines, des milliers de foi « Oradour, souviens toi… ».

À Richard, à Agathe, à la famille de Robert Hébras et à ses amis, j’adresse en mon nom personnel, au nom du Conseil municipal et du personnel communal mais aussi au nom des Radounaudes et des Radounauds, nos très sincères condoléances et les assure de notre soutien et de notre profonde affection.

 

Philippe LACROIX