AG_24-11-2013004Compte-rendu de l’AG extraordinaire de l’association
« Justice Pour Robert Hébras » du 24 novembre 2013

 

Dûment convoquée, l’A.G. débute à 15h15. 129 adhérents à jour de cotisation, sur 860 sont présents et ont émargé. Plus de 80 se sont excusés.
B.Malinvaud, présidente, ouvre l’A.G., excuse plusieurs adhérents empêchés, dont les maires d’Oradour & de Saint-Junien. Lesquels sont représentés par un autre élu

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AG_24-11-2013010R.Hébras, remercie les adhérents de J.P.R.H, et ses deux avocats, grâce à qui il a pu supporter « le calvaire que j’ai subi, pendant 4 ans, grâce à vous tous. » Il demande une minute de silence pour les 642 victimes du massacre et réitère sa volonté de témoigner en leurs noms « aussi longtemps qu’il sera en vie. »
Après la minute de silence, observée par toute la salle, debout, B.Malinvaud remercie l’assistance pour sa solidarité, sa générosité. 860 adhérents, dont beaucoup d’excusés ne pouvant être là. Ce grand élan de solidarité provient de tous les horizons sociaux, professionnels, confessionnels, régionaux. Y compris d’Allemagne et du Royaume-Uni. L’article 2 de l’association a été ainsi pleinement atteint. L’arrêt de la Cour de Cassation du 16 octobre 2013 a lavé Robert Hébras de tout soupçon.

AG_24-11-2013013Me Françoise Thouin-Palat, avocate de R.Hébras auprès de la Cour de Cassation, commence par féliciter Me Philip Gaffet, pour son travail en amont. Car on ne peut présenter des éléments ou des faits nouveaux en Cassation. Si le dossier n’avait pas été solide, la décision de la Cour n’aurait pas pu être aussi nette. A savoir, sans renvoi en Appel, et avec ordonnance de publication. La décision concernant R.H va donc être publiée et fera date dans l’Histoire de la Justice. Il va rester dans les annales. C’est en s’appuyant sur l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, à savoir « la liberté de jouir de la liberté d’expression quasi totale » que la Cour a rendu son arrêt. Concernant le litige, à savoir est-ce que R.H a excédé la liberté d’expression ?; la Cour a répondu par la négative. C’est bien une question historique légitime qui a été l’objet de cette polémique.
Le fait que la Cour ait cassé sans renvoi, phénomène extrêmement rare, témoigne de la force de cette décision. C’est l’enseignement le plus extraordinaire que nous pouvons en tirer.
La salle est invitée à poser des questions. Une seule en émane, concernant la composition de la Chambre de la Cour. Me Thouin-Palat indique qu’elle était composée de 15 membres.
B.Malinvaud, fait un bilan succinct des activités de l’association, précisant que les deux films de M.Wilmart réalisés en 1988 ont été projetés à la BFM, en juin & octobre 2013, avec chaque fois une salle pleine à craquer.
La brochure co-écrite par I.Frandon & M.Niguès, adhérentes de J.P.R.H. et vendue au profit de cette association, a été d’ores et déjà vendue à 350 exemplaires.
Des projets de projection d’un autre film sur Oradour est prévue au Ciné-Bourse de Saint-Junien, en 2014. De même que la projection à Munich du film réalisé par M.Faugeroux, adhérent lui-aussi de J.P.R.H. Des représentants de l’association se rendront, accompagnés de R.H. à Munich, pour participer à une conférence à la mairie & à l’Université de Munich.
P.Pommier, trésorier, après avoir remercié H.Malinvaud trésorier-adjoint, présente des comptes, reflets de la solidarité extraordinaire des adhérents. 14 000* euros de cotisations, dont 1/3 accompagnés de dons. 3 200* euros de ventes de brochures. Ce qui a garanti l’indépendance de l’association. 2 000* euros avaient été versés aux parties adverses, ils vont être remboursés à J.P.R.H. Les frais de courrier se montent à 1900* euros.
* tous ces chiffres sont arrondis, ils seront présentés très précisément lors de l’AG ordinaire de janvier 2014.

AG_24-11-2013015Le CA de J.P.R.H. s’étant réuni et ayant décidé à l’unanimité de pérenniser l’association, P.Grandcoing, secrétaire-adjoint présente le projet :
L’arrêt de la Cour de Cassation du 16 octobre dernier casse et annule sans renvoi l’arrêt rendu le 14 septembre 2012 par la Cour d’appel de Colmar. L’association, créée en octobre 2012 pour soutenir et aider Robert Hébras, a donc atteint l’objectif qu’elle s’était fixé : la bonne foi de Robert Hébras est reconnue. La mémoire des victimes d’Oradour est respectée.
Elle pourrait donc se dissoudre. Toutefois, considérant que le procès fait à Robert Hébras ne constitue hélas pas un fait unique et exceptionnel mais qu’il est à craindre que le drame d’Oradour soit de nouveau objet de polémiques. Considérant également que le débat historique au sujet des événements du 10 juin 1944 est non seulement légitime mais souhaitable ainsi que le reconnaît implicitement l’arrêt de la Cour de Cassation, mais qu’il ne doit pas être le prétexte à défendre telle ou telle cause au mépris de la vérité des faits, considérant enfin que le procès fait à Robert Hébras montre combien son message fondé sur la double exigence de la mémoire et de la réconciliation n’est toujours pas compris ou entendu par certains
le conseil d’administration propose de poursuivre l’action de l’association après en avoir modifié les buts et la dénomination. Elle pourrait se nommer par exemple :
“Oradour, Histoire, Vigilance et Réconciliation”
Ses buts seraient de perpétuer l’engagement de Robert Hébras et de tous ceux qui ont œuvré pour que ne soit pas altérée la vérité du drame du 10 juin 1944 mais aussi pour que cette défense de la vérité historique serve à la compréhension des mécanismes qui peuvent mener à de tels crimes, non pour perpétuer haines et rancœurs, mais pour construire un dialogue apaisé entre les hommes et les peuples.
L’association n’entend nullement se substituer aux structures déjà existantes (Association Nationales des familles de martyrs d’Oradour-sur-Glane, CMO) mais elle se propose d’apporter une autre dimension par rapport à l’action de ces structures : diffuser en tous lieux et sous toutes les formes possibles le souvenir d’Oradour et le message de vérité et de réconciliation qui donne sens à la mémoire de l’événement.
A ces fins, elle se propose de contribuer à toute manifestation ou production (conférences, colloques, expositions, voyages, concours, publications écrites et audiovisuelles…) correspondant aux buts définis ci-dessus.
La parole est donnée à la salle, Alain Charbonnier, professeur d’Histoire approuve chaudement le fait que l’association se poursuive. Il insiste sur la nécessité de « s’adresser aux jeunes générations, aux élèves de toutes les régions. Il s’agit d’être des passeurs de mémoire, en lien avec le CMO. » M. Botella qui dit avoir beaucoup discuté avec M. Frugier, évoque la nécessité de classer le village martyr comme bien mondial de l’UNESCO. « Notre association pourrait être un levier pour classer au titre mondial les ruines d’Oradour-sur-Glane. » Une dame sans s’identifier demande s’il ne serait pas mieux de dissoudre J.P.R.H et de créer une nouvelle association.
P.Grandcoing répond par l’avantage de s’appuyer sur l’existant, démontrant la simplicité administrative que ce choix justifie, entre autres raisons…

AG_24-11-2013017Mason Norton, historien britannique du Edge Hill University intervient ensuite :
« Enfin, la justice française a été juste pour Oradour. La Cour de Cassation a débouté les associations malgré-nous lors de son jugement à Paris le 16 octobre. Les témoins et les historiens ont maintenant le droit de douter, un droit important pour tous. Le programme du Conseil National de la Résistance qui est peut-être la constitution morale de la France tandis que celle de 1958 est sa constitution politique, a prévu la garantie de la liberté d’expression- cette garantie a été renforcée par ce jugement.
Evidemment, celle-ci est l’heure pour, si le mot est apte, la félicitation. Le peuple limousin a toujours marché contre le vent, que ce soit dans l’agriculture pour survivre sur une terre peu favorable aux cultures, ou que ce soit contre les tyrannies économiques (comme au 19e siècle et au début du 20e- cf. les grèves du 1905) ou politiques (les politiques qui menaient la première guerre mondiale, la fédération haut-viennoise SFIO étant la première de l’opposer, et aussi, bien sûr, les terreurs du nazisme et du vichysme). La lutte pour obtenir la justice pour Robert Hébras est la preuve vivante encore que la résistance du peuple limousin existe encore au 21e siècle, et qu’une partie de l’identité régionale existe encore malgré les forces et pressions de la mondialisation. Et ici j’exprime, dans la certitude que mes collègues dans l’association J P. R H. vont me rejoindre, mes remerciements les plus sincères aux fondateurs de l’association, B et H Malinvaud, M. Wilmart, P. Grandcoing, V. Brousse, S. Codecco, P. Pommier et tous ceux qui ont rejoint l’association au cours des treize mois d’incertitude, et leurs efforts, mais aussi, il faut reconnaître la dignité et le courage que Robert Hébras a montré et a tenu pendant l’affaire.
Je voudrais aussi exprimer ici l’espoir que les soutiens des malgré-nous reconnaissent aujourd’hui que cette triste affaire, en rouvrant la guerre franco-française, ne fait qu’une chose- donner la victoire à ce syndrome de Vichy, cette maladie du passé. Je suis sûr que les enquêtes menées par le parquet de Dortmund vont bientôt montrer que la plupart des alsaciens étaient des incorporés de force- quelque chose que personne ici en Limousin n’a jamais nié. Oradour, c’est une tragédie humaine, pas une tragédie limousine ou alsacienne. Espérons tous que cette enquête en Allemagne apportera enfin une vraie justice pour tous. A moins que les ADEIF décident de poursuivre ce cas devant la cour européenne des droits humains à Strasbourg, l’affaire est donc terminée. Mais en tant qu’historien, je connais, si je ne connais rien d’autre sur l’Histoire, que les expériences sont utiles uniquement si on tire les leçons qu’elles peuvent nous enseigner. Aujourd’hui, il faut en tirer.
Premièrement, il faut suivre l’exemple de Robert Hébras, et arrêtons la victimisation dans l’histoire. Une maître de conférences en littérature et civilisation française à l’université de Leicester qui travaille sur les violences sexuelles faites contre les femmes, Nicole Fayard, s’insurgeait récemment contre le terme ‘victimes des abus sexuels’, demandant que le terme ‘survivants des abus sexuels’ soit utilisé. Pourquoi? Parce que pour elle, le mot ‘victime’ entraîne une mentalité fatale, soi-destructrice. Donc, les 642 tués à Oradour sont des victimes, les enfants juifs déportés sans retour de Châteauneuf-la-Forêt en avril 1944 sont des victimes, les résistants tués au combat au Mont Gargan ou déportés sans retour ou fusillés sont des victimes. Mais Robert Hébras est un survivant, qui témoigne contre les terreurs du nazisme. Chaque visite guidée des ruines qu’il fait, fait de la résistance, montre sa survie, nie la victoire allemande. Thérèse Menot, par son courage, par son témoignage, a montré qu’elle n’était plus victime, mais une survivante. Louis Gendillou a subi les tortures les plus atroces du régime pétainiste, qui voulait le rendre muet- mais par son action, son désir de combattre, continue de témoigner et de se battre contre les terreurs du fascisme, devenant un survivant. Est-ce que par être victime que Camille Senon pouvait trouver le courage de prendre la parole à Cologne en 1976 ? Non, c’est par être survivante, déterminée de réconcilier la France et l’Allemagne, de témoigner de l’horreur d’Oradour. Je peux continuer ad infinitum- surtout quand on pense des siens des anciens résistants, beaucoup trop nombreux pour les tous citer ici.
Deuxièmement, il nous reste encore un grand travail à faire, mais cela doit réunir les historiens du Limousin et de l’Alsace. Le jour de la disculpation judiciaire de Robert Hébras, j’ai cherché sur You Tube pour la vidéo contenant sa réaction. En effet, j’ai trouvé le nom de site- c’était sur Dailymotion- mais ayant tapé Robert Hébras pour mes termes de recherche, qu’est-ce que je trouve sur la première page des résultats ? Une vidéo dont le titre est Oradour : Reynouard interpelle le survivant Hébras. Inutile de vous dire que le créateur de cette vidéo, qui dure 23 minutes et me donne la nausée au fond de mon ventre est Vincent Reynouard, négationniste notoire. Ayant enseigné dans un lycée en France, j’ai pu constater que beaucoup de lycéens, et collégiens, utilisent des sites comme You Tube pour leurs devoirs. L’idée que des élèves peuvent tomber sur quelque chose comme ça, et qu’ils peuvent penser que cela est vrai, est une idée qui doit nous inquiéter tous. Pour ma génération d’historiens (avant qu’on me pose la question, j’ai 26 ans), pour qui l’introduction à la politique française a été le 21 avril (2002), et pour ceux d’entre nous qui peuvent se souvenir de la menace de l’Algérie française et l’OAS, et qui voyons aujourd’hui le vieux spectre de l’extrême-droite remonter comme Banquo (allusion à Macbeth de W.Sh.) à la fête, cela est choquant, qu’une organisation des médias mondiaux peut avoir une telle vidéo si disponible, si accessible aux jeunes impressionnables. Au moins quand ils étaient invités chez TF1 et Dechavanne, il y avait quelqu’un pour les contredire ! Il faut, donc, qu’on combatte ce vieux fantôme, celui du nazisme, du fascisme et de l’intolérance et que l’on combatte ensemble, limougeauds et alsaciens, français et françaises, humains et humaines. Sinon, on risque de perdre la prochaine bataille.
Finalement, s’il y a des travaux à faire, il faut qu’on les fasse ensemble. L’association J.P.R.H. a vu les gens de toutes origines sociales, de toute école et appartenance historique, philosophique et politique. La pétition en ligne est signée par des gens appartenant aux professions beaucoup trop nombreuses pour les tous citer ici. Cette association, cette cause, nous a montré que l’histoire est importante pour nous tous. L’histoire n’est pas le privilège des universitaires, dont certains (ici je cite l’Américain John Merriman) croient que la dernière révolution en Limousin était 1905. Ce constat condamne la Résistance, par exemple, à l’oubli, contre laquelle G. Perlier s’exprimait récemment avec un article dans la presse limousine. L’histoire, avec les langues vivantes, la philosophie et la littérature, est la plus démocratique des disciplines. Dans cet esprit, avec l’approche du 70e anniversaire de la Libération l’année prochaine, il faudra que les passionnés de l’histoire contemporaine en Limousin se joignent ensemble- peu importe s’ils sont des acteurs, des journalistes, des universitaires, des amateurs compétents, des enseignants du second degré- pour écrire l’histoire accessible du temps présent en Limousin, pour le Limousin.
L’heure de l’écriture est arrivée. Écrivons-la ensemble pour empêcher l’oubli, le malentendu, la fausse représentation, et la fausse philosophie de l’extrême-droite. Et surtout, si on prône la réconciliation, entre le Limousin et l’Alsace, entre la France et l’Allemagne, souvenons aussi, voire surtout, des mots célèbres du poète gallois Dylan Thomas : « Do not go gentle into that good night/Rage, rage against the dying of the light » 1.
Jean-Pierre Juillard, demande si en cas de renouvellement de l’Association, elle ne devrait pas, selon lui, rester dans des limites précises, et travailler davantage sur « les mots », évoquant « le risque d’un vocabulaire qui se détraque. S’agissant d’aller dans le sens d’une réconciliation entre Mémoire, Histoire et Récit, il envisagerait plutôt un travail lié au vocabulaire plutôt que sur des problèmes strictement matériels. Pour lui, le sujet des Ruines ne doit pas être central. P.Grandcoing s’interroge sur la nécessité d’une rencontre entre historiens du Limousin & de l’Alsace, pour que 2 régions aux expériences historiques très différentes puissent enfin dialoguer. Il n’y a plus une histoire commune, on n’arrive pas à construire un dialogue, une réalité acceptée par tous.

AG_24-11-2013001A une question portant sur l’existence ou non d’une passerelle avec l’A.N.A.C.R.,
B.Malinvaud répond que cette dernière a déjà soutenu l’action de notre association tant à l’échelle régionale qu’à l’échelle nationale et que même si, pour l’heure il n’existe pas de passerelle à proprement dit, rien n’empêche qu’il y en ait une. Est évoquée la rencontre de Bordeaux du jeudi 21 novembre où Robert Hébras a rencontré un survivant du massacre de Sant’Anna di Stazzema du 12 août 1944.
À une question portant sur l’importance du Procès de Bordeaux en 1953, Philip Gaffet, répond : Cela pose deux questions: un soldat peut-il refuser un ordre ? Et le problème de la qualification du crime du 10 juin 1944 (crime de guerre/crime contre l’humanité ?). Selon lui, et après cette rencontre avec ce procureur italien, à Bordeaux, qui poursuit encore des criminels nazis, on pourrait envisager de changer la qualification du crime commis à Oradour. Mais il s’agit là pour lui d’une réflexion citoyenne et non du juriste qu’il représente. P.Pommier précise qu’en effet un travail d’Histoire doit continuer de se faire, puisque nous ne sommes plus dans le même contexte et que, de plus, nous bénéficions d’un recul temporel.
Nous procédons au vote: Inscrits & votants : 129. Pour la transformation de l’association 114. Pour la dissolution 15.
Le secrétaire V.Brousse
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1‘N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit/ Mais rage, rage encore lorsque meurt la lumière.’(Traduction par Lionel-Édouard Martin).