DEVOIR DE MEMOIRE

ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation

Month: octobre 2013

Justice est rendue à Robert Hébras, survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane

L’Association “Justice pour Robert Hébras” exprime sa satisfaction pour l’arrêt favorable rendu par la Cour de cassation lors de son audience du 16 octobre 2013.
La Cour casse et annule l’arrêt rendu le 14 septembre 2012, par la Cour d’appel de Colmar, sans renvoi devant une autre cour.
L’avocate de Robert Hébras, Me Thouin-Palat, a envoyé le communiqué suivant :
« La Cour de cassation s’est prononcée ce jour dans l’affaire Hébras, rare survivant du drame d’Oradour-sur-Glane, qu’elle a définitivement lavé de tout soupçon. Défendu par Me Françoise Thouin-Palat, il était poursuivi pour diffamation à l’égard de treize Alsaciens qui avaient participé à ce massacre aux côtés de la 3ème compagnie du régiment de SS “Der Führer” de la 2ème division Panzer “Das Reich”. La Cour de cassation a reconnu que c’est à mauvais escient que Monsieur Hébras a été condamné pour diffamation par la Cour d’appel de Colmar pour les propos qu’il avait tenus sur les atrocités commises ce 10 juin 1944. Monsieur Hébras, qui ne nourrit pour sa part aucune querelle personnelle contre les Alsaciens enrôlés de force dans l’armée allemande, se réjouit de cette décision qui, dans la ligne constante de la jurisprudence, contribue à renforcer la liberté d’expression dans notre pays. Comme l’a voulu le général de Gaulle, le souvenir d’Oradour-sur-Glane ne doit pas s’éteindre. »
L’association, créée en octobre 2012 pour soutenir et aider Robert Hébras remercie chaleureusement celles et ceux qui l’ont accompagnée dans son action. Elle a atteint l’objectif qu’elle s’était fixé : la bonne foi de Robert Hébras est reconnue. La mémoire des victimes d’Oradour est respectée.
Plus largement, notre association se félicite d’une décision de justice, relativement rare dans sa forme, qui fera date. Elle reconnait en effet aux témoins d’un fait historique une entière liberté d’expression et d’opinion. Loin d’entraver la recherche de la vérité historique elle la facilite au contraire en permettant que s’expriment, dans leur diversité, tous ceux qui ont été les acteurs ou témoins de cette histoire. Elle invite donc à poursuivre le but que s’est fixé depuis longtemps Robert Hébras : perpétuer la mémoire du crime d’Oradour, sans haine, mais sans oubli non plus, afin d’œuvrer à la réconciliation entre les peuples et d’empêcher que de telles atrocités se reproduisent.

Les membres fondateurs et membres du bureau :
Vincent Brousse, Sylvie Codecco, Philippe Grandcoing, Bernadette Malinvaud, Henri Malinvaud, Philippe Pommier, Marc Wilmart.

Projection Film le 9 octobre 2013

Association Justice pour Robert Hébras

en partenariat avec l’INA

Projection du film* :

Oradour

Aujourd’hui la Mémoire

réalisé par Michel Follin et Marc Wilmart (1988)

Mecredi 9 octobre à 18h30

salle de conférences de la BFM de Limoges

En présence de Robert Hébras, survivant du massacre du

10 juin 1944 et de Marc Wilmart

                                      Entrée libre

 INAlogo Justice pour Rrobert Hebras doc

 

 

 

http://www.soutienhebras.fr

*1ère partie : “Les Voix de la Douleur”, projetée le 18-06-2013

Témoignage de Robert HEBRAS Survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane

hebras

Je me trouve devant chez moi, le samedi 10 juin 1944, avec un ami, lorsque deux véhicules chenillés allemands passent devant nous avec des soldats à bord.
Il est 2 heures de l’après-midi à ma montre. Mon ami n’est pas rassuré. Je lui dis : “ils ne vont pas nous manger”. Moi, je n’ai pas peur, parce que travaillant à Limoges, je vois les troupes d’occupation tous les jours. Mon ami part en direction de son domicile.
Sur l’ordre d’un soldat, je rejoins la place du champ de foire avec ma mère et ma sœur aînée. Ma petite sœur est à l’école communale et mon père est au travail à l’extérieur du village.
Tout le village se trouve maintenant sur la place. Aucune crainte n’est encore perceptible.
Apercevant ma petite sœur qui a, avec ses camarades et son institutrice, rejoint la place du champ de foire, je m’approche pour l’embrasser et la rassurer.
J’entends alors le pâtissier s’inquiéter pour ses gâteaux qui cuisent dans le four, et la réponse, du soldat, en bon français, avec un accent prononcé : “Ne t’inquiète pas, on s’occupera de tes gâteaux !”
Quelques soldats nous séparent : les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre. On nous donne l’ordre de nous mettre sur le trottoir, face aux murs et j’entends les femmes et les enfants partir.
Nous nous retournons. Les femmes et les enfants sont partis. Un soldat demande en français au maire de se présenter (je dis un soldat car tous avaient la même tenue, sans distinction de grades) et ils prennent tous les deux la direction de la mairie. Ils reviennent peu de temps après. Et c’est à ce moment là, qu’on lui demande de désigner des otages. Le maire se propose.
Rapidement, on nous demande si nous avons des armes. Sans réponse, on nous dit “nous allons les chercher et les personnes non concernées seront relâchées”. Je suis soulagé, je sais qu’aucune arme n’est cachée chez moi.
Un soldat forme cinq ou six groupes inégaux. Celui dont je fais partie doit compter environ une soixantaine d’hommes. Mon groupe est conduit à la grange “LAUDY”, sans brutalité, par cinq soldats armés de mitrailleuses.
Arrivé dans la grange, je m’assois avec mes camarades au fond, dans le foin. Sans précipitation, les soldats balaient l’entrée de la grange et installent leurs armes.
Un soldat fait le tour du groupe et nous fait signe de nous lever. Je me lève et dès que ce soldat a rejoint les hommes en position de tir devant la grange, j’entends une explosion qui à mon avis vient de la place du champ de foire. A ce signal, c’est la fusillade. Nous tombons les uns sur les autres. Je ne réalise pas immédiatement ce qui se passe. Tout se déroule très vite et lorsque les mitrailleuses se taisent, des plaintes, des cris et des gémissements montent de l’amas de corps brisés. J’ai plusieurs hommes sur moi. Je ne sais même pas si je suis blessé. Je ne sais pas si je suis vivant où mort.
J’entends des pas, ce sont ceux des soldats qui montent sur les corps pour achever les survivants. A quand mon tour? Je sens un pied sur mon dos, je ne bouge pas. Une balle destinée à achever un camarade me blesse légèrement à la cuisse.
On nous couvre de foin, de paille, de fagots… et j’entends les soldats partir. Quelques personnes se plaignent. Peu de temps après, je réentends le bruit des bottes et les soldats mettent le feu.
La progression de l’incendie est rapide et lorsque le feu m’atteint, je me dégage avec difficulté du brasier. Persuadé que je vais mourir sous les balles, je m’aperçois que les soldats ne sont plus là. Je me dirige vers une porte au fond de la grange. Elle donne sur une courette sans issue. Je reviens dans la grange et ouvre la porte de l’étable où j’aperçois une ombre. J’ai peur et me cache dans une étable à cochon. J’entends parler français et à travers la porte de l’étable, j’aperçois quatre camarades. Je les rejoins avec soulagement. Je ne suis plus seul.
Trois d’entre nous se réfugient dans le grenier d’une grange voisine. Je me cache avec l’un de mes camarades au sommet d’un tas de fagots. Soudain, deux soldats entrent dans la grange; l’un d’eux met le feu à la paille, sur “le fenil”. Les soldats sortent de la grange et tirent dans le toit qui s’enflamme.
Chassés par les flammes, nous nous réfugions dans des clapiers donnant sur la place. Deux de mes camarades s’en vont, je ne sais pas où; un autre part en direction du cimetière. Je reste dans le dernier clapier avec l’un de mes camarades où, tenaillés par la soif, nous buvons l’eau des volailles.
Les flammes atteignent le dernier clapier, je me tourne vers mon camarade qui est blessé aux jambes et lui demande ce que je peux faire pour lui. Il me répond : “rien, pars”. Je traverse la place, en haut du champ de foire, je m’arrête, je lui fais signe que la voie est libre, qu’il peut passer. Je traverse l’enclos de la ferme “LAUDY” en direction de l’entrée du cimetière que je traverse également. Il est un peu plus de 7 heures du soir.
Je pars dans la campagne, la peur au ventre; je marche sans savoir où je vais, en m’arrêtant pour boire dans les rigoles. Je marche longtemps, la nuit tombe lorsque j’aperçois des maisons. Je reconnais le hameau. Méfiant, j’en fais le tour. Je vois une fenêtre éclairée. Ayant peur de la nuit, je frappe à la porte. On m’ouvre et j’ai la surprise de retrouver deux camarades de mon âge avec leur petit frère, qui ont pu quitter le village dans l’après-midi.
Je leur dis qu’ils ont tué tous les hommes, sans réaliser que leur père fait partie des victimes. J’essaie de les consoler en leur disant qu’on va retrouver nos mamans demain…

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