DEVOIR DE MEMOIRE

ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation

Compte rendu de l’Assemblée Générale Ordinaire du 4 mars 2023

Bernadette remercie les personnes présentes à cette Assemblée Générale rendue particulière par l’absence définitive de notre ami Robert et demande que soit observée une minute de silence en sa mémoire.

Les administrateurs ont proposé un dépôt de fleurs sur le caveau de Robert. Tout ceux qui le souhaitent peuvent s’associer à cette démarche à l’issue de l’AG.

Aujourd’hui 43 personnes sont présentes auxquels s’ajoutent 41 procurations. Le quorum est atteint et l’assemblée peut débuter.

Madame Sylvie Tuyéras, vice-présidente du Conseil Départemental représente Jean-Claude Leblois, président du Conseil Départemental et Pierre Allard conseiller Départemental et maire de Saint-Junien.
Fabrice Escure, président du Centre de la Mémoire est excusé.
Nous adressons nos chaleureux remerciements pour leur présence sans faille depuis des années à Sylvie Tuyéras, Annie Dardillac, Pierre Allard et bien d’autres encore.
Merci également à Benoit Sadry, nouveau président de l’ANFMOG, pour son adhésion et son soutien dès la première heure.
Merci aussi à Agathe et Richard Hébras. Robert savait qu’il pourrait compter sur Agathe pour prolonger sa parole.
Merci à Philippe Lacroix, Maire d’Oradour-sur-Glane, pour sa disponibilité, son écoute et ses conseils. Comme chaque année nous le remercions pour nous permettre de tenir notre assemblée dans cette salle.

La parole est donnée à Philippe Lacroix : « Il est de notre devoir, celui de la ville d’Oradour-sur-Glane, de vous accompagner. Nous n’oublions pas que l’association fut là à des moments difficiles de la vie de Robert et la ville vous en est reconnaissante ! »
Philippe revient sur l’hommage national rendu à Robert, qui fut à la hauteur du personnage. Une personne empreinte de simplicité. Il salue Agathe qui a repris le flambeau, lui précisant qu’elle pourra toujours compter sur la ville d’Oradour. Il ajoute que, si certains pensaient que l’association devrait stopper, lui, pense au contraire, qu’elle doit perdurer.
Le village en ruines se détériore. Nous continuerons d’en transmettre le témoignage avec l’ANFMOG, mais nous ne serons jamais trop nombreux pour en assurer le respect moral.
C’est pourquoi Philippe adresse un grand merci à l’association pour tout ce qu’elle a fait.

Bernadette reprend la parole pour rappeler l’origine de la création de notre association et rendre hommage à Robert.
Le 12 janvier 2013, se tenait ici l’assemblée constitutive de l’association « Justice Pour Robert Hébras » :  près de 300 personnes apportaient avec force à Robert Hébras tout leur soutien, toute leur amitié.
Robert avait chaleureusement remercié les participants. Il était profondément touché par cet élan de solidarité qui s’était développé depuis l’annonce de sa condamnation par la Cour d’Appel de Colmar en septembre 2012.
Il avait ajouté : « Ce n’est pas de gaieté de cœur, mais je l’annonce solennellement, j’ai décidé, après avoir beaucoup réfléchi de me pourvoir en Cassation. J’ai pris cette décision difficile parce que je suis une victime et un témoin…j’ai toujours œuvré pour permettre la réconciliation avec l’Alsace Moselle et l’Allemagne et je ne supporte pas l’idée de cette condamnation…Nous sommes le 12 janvier c’est un hasard si cette réunion se déroule ici, à cette date, mais, il y a 60 ans, jour pour jour, à la même heure, s’ouvrait le procès de Bordeaux qui a fait tellement de mal à la population de notre village. Pour la deuxième fois en 60 ans j’ai l’impression que les victimes sont une fois de plus ignorées ; c’est pour ça que j’ai pris cette décision. »

Oui en quelques mots avec cette franche simplicité qui le caractérisait, tout était dit.

Robert, survivant du massacre de 1944, témoin contraint par un temps de parole limité au procès de Bordeaux en 1953, se retrouvait en 2012 condamné, à la suite d’une erreur éditoriale, condamné pour avoir, en 1992, émis dans son ouvrage « Le drame heure par heure » un doute sur l’incorporation de force de soldats alsaciens présents à Oradour, le 10 juin, sous uniforme de la Waffen SS.
Cette condamnation avait interpelé, indigné de nombreux limousins et bien au-delà. Une pétition recueillit plus de 1800 signatures, un comité de soutien fut constitué puis l’association « Justice Pour Robert Hébras ».
En effet depuis de nombreuses années, nous connaissions Robert qui avait surmonté ses blessures par sa force, son travail disait-il, son courage, sa volonté de lutter contre l’oubli tout en refusant la haine. Il était désormais un Témoin, un Européen convaincu, porteur d’un message de paix et de réconciliation,
Sa mission suprême consistait à ne pas oublier les 643 victimes, inséparables de leurs lieux de vie, inséparables des ruines de son Village à préserver à tout prix. Maintenir la Mémoire des hommes et des lieux, inscrite désormais dans les travaux et recherches des Historiens, était une de ses priorités.
Le 16 octobre 2013 la Cour de Cassation cassa et annula sans renvoi l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Colmar. L’honneur, la dignité de Robert lui étaient rendus, l’objectif de l’association était atteint, elle pouvait se dissoudre.
Robert souhaita alors qu’elle continue à l’accompagner dans son travail de mémoire, et pour perpétuer son engagement, tout en défendant l’exactitude historique du drame du 10 juin 1944. Nous avons donc modifié les statuts, en devenant OHVR en 2014. Il accepta d’en être le Président d’Honneur.
C’est dans ce cadre que j’ai eu le privilège d’accompagner Robert dans les collèges, lycées, universités en France et en Allemagne (Munich, Frankfort, Schöndorf).
Durant des années je l’avais écouté, raconter aux élèves en parcourant les ruines « son après-midi » du 10 juin et celle de ses copains notamment Marcel Darthout, et insister auprès de ces jeunes sur la nécessité d’être toujours vigilants. Je l’avais entendu, dans l’église, répéter les paroles de Madame Rouffanche.
Après la projection du documentaire « Le droit à la Mémoire », dans lequel Robert répond aux questions du réalisateur, Mickael Faugeroux, ami et adhérent de OHVR, je le découvrais, dans une salle de classe ou un amphi comble en train de raconter, avec les mêmes mots, dans le silence total le 10 juin 1944. Il rappelait aux jeunes, combien il comptait sur eux, pour ne pas oublier.
Il rassurait les jeunes allemands : non ils n’étaient pas responsables. Il leur fallait maintenant construire l’unité des Peuples.
Il nous revient à tous de veiller à ce que le témoignage de Robert sur la transmission de son histoire, de l’histoire d’Oradour, le témoignage d’un humaniste, le témoignage d’un citoyen européen soit respecté.

Une vidéo de Robert témoignant en 2014 et 2018 est projetée.

Puis, Benoît Sadry précise les circonstances qui ont permis à la petite fille de l’un des Waffen SS âgé de 17 ans, Adolf HEINRICH, tireur dans la grange Laudy, de rencontrer Robert, en août 2022. (voir le texte de la prise de parole de Benoît lors de l’hommage du 17 février 2023 sur le site d’OHVR).
Cet homme qui a vécu, dans la solitude, avec sa culpabilité et ses remords, est à notre connaissance, le seul à avoir exprimé sa volonté de repentir. La rencontre dura 3 heures. Robert qui avait toujours attendu une telle démarche venue d’un des acteurs du massacre conclut « la boucle est bouclée ».
Et à la mort de Robert, dans son message, la petite fille écrivait « il m’a enseigné le pardon ».

La présidente avant de reprendre l’ordre du jour signale le décès de trois adhérents : Colette Truchassou, Raymond Constans et André Vareille.

Ordre du jour
1 Approbation du compte rendu de l’Assemblée Générale Ordinaire du 5 mars 2022 : adopté à l’unanimité.
2 Rapport d’activité :
Les activités 2022 comportent deux parties :
– la première, continuer l’accompagnement des débats à la suite de la projection du film « Mademoiselle Marie » organisée par l’ACJNA. Quatre projections ont eu lieu en 2022.
– la deuxième partie plus conséquente est la réalisation de la BD, projet suggéré par Robert en 2018.
Philippe Grandcoing rappelle la validation du contenu par le Comité de Lecture en décembre 2021. (Composition du comité présentée lors de l’Assemblée Générale du 5 mars 2022).
Les échanges réguliers entre le travail du dessinateur et le scénariste font que le projet avance bien et Robert a eu la satisfaction de voir et d‘apprécier les premières planches. Quelques-unes d’entre elles sont projetées sur écran à l’assemblée. L’album en comportera 72 qui seront accompagnées par des pages de contextualisation. La publication est prévue pour avril/mai 2024. Il est envisagé une exposition, présentant le travail de conception et de réalisation, à la BFM, dans le cadre de « Lire à Limoges ». Ce projet n’est pas encore finalisé.

Vote du rapport d’activité : voté à l’unanimité

3 Présentation du rapport financier par Philippe Pommier, trésorier :
Les Recettes sont de 1170,00 €,
Les Dépenses sont de 955,39 €
Le solde de l’exercice est bénéficiaire de 394,85 €

4 Compte rendu des Vérificateurs aux comptes :
Jean-Luc Bayard lit le rapport établi par Gérard Chambord et lui-même, vérificateurs aux Comptes.

« Mesdames, Messieurs,

Conformément à la mission qui nous est confiée, nous avons vérifié les comptes de l’association ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation pour la période du 01.01.2022 au 31.12.2022.
Tous les documents comptables nécessaires à notre examen ont été mis à notre disposition. Nous avons pu ainsi effectuer les contrôles et vérifications nécessaires. Des explications pertinentes et des justificatifs adéquats ont été fournis dans chaque cas.
Dès lors, nous sommes en mesure d’attester que les comptes de l’association ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation pour la période du 01.01.2022 au 31.12.2022 sont sincères et corrects. Ils se soldent par des recettes à hauteur de 1 170 € auxquelles il convient d’ajouter 180,24 € correspondant aux intérêts sur le livret et les dépenses à hauteur de 955,39 €, soit un résultat de 394,85 €.
En conséquence, nous vous proposons d’approuver ces comptes tels qu’ils vous sont présentés.
En foi de quoi, nous avons rédigé le présent rapport.
À Limoges, le 01.03.2023 »

           Jean-Luc BAYARD                                           Gérard CHAMBORD

Le compte rendu financier 2022 est adopté à l’unanimité

5 Le montant de la cotisation annuelle reste inchangé.

6 Renouvellement des membres du Conseil d’Administration et du Vérificateur aux comptes :
Les administrateurs Philippe Grandcoing, Bernadette Malinvaud, Philippe Pommier sortants renouvellent leur candidature : ils sont réélus à l’unanimité ainsi que le Vérificateur aux comptes Jean-Luc Bayard.

La parole est donnée à Agathe Hébras qui remercie l’association pour les 10 ans de soutien apporté à son grand-père. Elle ajoute que toutes les forces seront nécessaires concernant l’avenir.

7 Questions diverses :
Avenir de l’association ? Elle doit mener la BD à son terme.
L’assemblée rejette l’idée d’une dissolution. Une question légitime cependant car l’association fut créée dans un but bien précis. Un temps de réflexion s’impose.
Le Maire d’Oradour Philippe Lacroix rappelle qu’il souhaite que l’association puisse perdurer pour toutes les raisons contenues dans son libellé même : « Histoire Vigilance et Réconciliation ».
Un adhérent demande à ce que l’association fasse la démarche pour l’obtention de reconnaissance d’utilité publique. La présidente précise que c’est déjà le cas.

À 11h30 l’ordre du jour étant épuisé, la présidente clôt l’assemblée générale et invite tous les participants qui le désirent à aller se recueillir devant la tombe de Rober

                  La secrétaire de séance                           La présidente

                  Sandra Combeau                               Bernadette Malinvaud

 

Extraits de textes d’hommages transmis par deux adhérents n’ayant pu être présents à l’Assemblée désirant porter à la connaissance de tous leurs réflexions et leurs ressentis à l’annonce du décès de Robert.</>

« Ma famille habitait à Oradour. Je ressentais le besoin d’en comprendre l’histoire, évoquée par bribes par mon grand-père.
Lycéenne, la réalisation d’une vidéo m’a permis de rencontrer Robert, de l’interviewer et de visiter le village avec lui.
Ce fut très solennel, respectueux aussi : nous savions l’importance de ce moment. J’ai ressenti un profond respect pour Robert, tant par son vécu que la personne profondément humble, droite, humaine…
Robert a visionné « Garde en Mémoire » et en a été très touché. Il m’a remercié. C’était pourtant moi qui lui étais reconnaissante pour m’avoir accordé sa confiance et sa disponibilité.
Depuis ce temps-là nous avons gardé le contact.
Mon père est décédé. Robert à travers des mots simples ou des silences, était présent, un réconfort pour moi.
Merci Robert d’avoir croisé ton chemin et de nous être trouvés au-delà des mots et des maux, dans nos silences et nos regards. Je pleure un être d’exception qui a vécu l’indicible et qui pourtant a réussi à transmettre son vécu aux jeunes : français, allemands, à tous ceux qui ont souhaité tisser des liens de transmissions de l’Histoire et de ton histoire.
Plus que jamais nous devons continuer à veiller à ce que la vérité historique d’Oradour soit respectée. Que les témoignages de Robert et d’Oradour soient écoutés. Que les écrits et autres projets d’Oradour soient en accord avec la justesse du regard de Robert.
Que l’histoire d’Oradour soit « gardée en Mémoire » avec celle de Robert.

Aurélia CLAVAUD »

« Ma première rencontre avec Robert Hébras eut lieu en mai 2010, lors de mes recherches en Master. Mes questions d’apprenti historien très maladroites, pas à la hauteur de l’incompréhensible, de l’inimaginable vécu par le témoin, reçurent des réponses courtes, précises, mesurées. Économie des mots. Des mots justes, reflets de l’exactitude historique. Plus tard j’écrivis à Robert pour lui demander d’excuser mon insuffisance et lui exprimer mon admiration pour son courage et sa dignité, sa force.
Ensuite j’ai rencontré Robert plusieurs fois, lors de mes déplacements en Limousin, dans le cadre de l’association. Ces rencontres m’ont laissé le souvenir d’un homme d’une modestie remarquable, malgré ses rencontres avec des présidents ou des personnages importants. Un homme sans prétention, qui s’investit dans la réconciliation franco-allemande depuis les années 80, mais qui vit aussi les parallèles entre les survivants d’Oradour et ceux du Bataclan par exemple ou avec Nora Cortiñas, l’une des mères de la Place de mai à Buenos Aires, et qui s’intéressa aux démarches de jeunes chercheurs, comme Héloïse Belloir ou Andrea Erkenbrecher.
Ce que l’histoire de Robert Hébras nous montre, c’est le fait qu’on peut témoigner lorsqu’il y a un devoir à le faire, qu’il est possible de parler aux futures générations, qu’il est possible de ne pas céder à la haine et l’amertume.
L’Histoire est une affaire sombre parfois, …. L’Histoire comme une discipline, c’est le dialogue entre le présent et le passé, ne pas oublier…
À la fin de Hamlet de William Shakespeare, le personnage de Horatio formule le vœu « May flights of angels sing thee to thy rest » (‘Que des essaims d’anges te bercent de leurs chants vers le repos éternel’) J’espère, qu’on soit croyant ou pas, que le repos éternel accordera à Robert, la paix et la sérénité qu’il n’a pas pu connaître dans la vie.

Mason NORTON, Docteur en Histoire contemporaine

Royaume-Uni, février 2023 »

Témoignages de Robert Hébras en 2014 et 2018

Nous proposons un montage vidéo (15 minutes), notamment à l’intention des Collégiens et Lycéens.

NB : Le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Limoges le 15 janvier 2020 officialise le nom d’une 643ème victime qui n’était pas comptabilisée à cause d’une confusion d’état civil.

 

Hommage à Robert Hébras par Hans-Dieter Lucas Ambassadeur d’Allemagne en France

Oradour-sur-Glane, le 17 février 2023

Monsieur le Ministre,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Madame la Préfète,
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Vice-Président,
Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Élu(e)s,
Monsieur le Président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs,
Chère famille Hébras,
Mesdames et Messieurs,

Nous nous sommes réunis ici aujourd’hui pour dire adieu à Robert Hébras.
Monsieur Hébras fut le dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane commis par la SS, mais surtout un homme tout à fait remarquable par son courage et son impressionnant engagement au service de la mémoire et la réconciliation.
Avec lui disparaît également un grand acteur des relations franco-allemandes, auquel l’Allemagne doit beaucoup.
Mesdames et Messieurs, je tenais beaucoup à être parmi vous aujourd’hui pour rendre hommage, au nom de la République fédérale d’Allemagne, à cette personnalité exceptionnelle, un hommage commun où Français et Allemands se tiennent côte à côte.
C’est un moment particulièrement émouvant pour moi, comme pour tous mes compatriotes présents aujourd’hui à Oradour-sur-Glane.
À mon grand regret, je n’ai pas connu personnellement Monsieur Hébras mais je garde un souvenir ému de cette photo si poignante et symbolique, prise en 2013 à Oradour, sur laquelle il apparaît aux côtés des présidents Hollande et Gauck, tous trois main dans la main. Elle témoigne d’un moment historique, d’une étape charnière dans les relations franco-allemandes.
Le fait qu’un travail mémoriel franco-allemand soit possible aujourd’hui à Oradour, après les atrocités commises par l’Allemagne nazie, était tout sauf une évidence. Monsieur Hébras a joué un rôle décisif à cet égard. Comme l’ancien président fédéral allemand, Joachim Gauck, l’a exprimé dans sa lettre de condoléances : « La capacité de Robert Hébras à surpasser ses indicibles souffrances et à nous tendre la main, à nous, Allemands, dans un geste de réconciliation, lui a valu un infini respect. »
Car le nom d’Oradour-sur-Glane restera à jamais associé à l’un des pires crimes perpétrés en France par des Allemands sous le nazisme.
Le 10 juin 1944, la Waffen-SS a commis à Oradour un crime inconcevable : elle a tué de manière bestiale 643 hommes, femmes et enfants, c’est-à-dire la quasi-totalité des habitants, et anéanti le village.
Cet abominable massacre perpétré par des Allemands ne cesse de nous emplir de honte. À cette honte s’en ajoute une autre : celle qu’aucun des auteurs du massacre n’ait été condamné en République fédérale d’Allemagne.
Je voudrais remercier les proches des victimes, de l’Association des Familles des Martyrs, présents aujourd’hui, qui se sont ouverts avec Monsieur Hébras à une commémoration commune avec l’Allemagne. Nous sommes reconnaissants du chemin difficile et douloureux qu’ils et elles ont dû parcourir.
Les habitants d’Oradour n’ont pas seulement œuvré pour garder vivant le souvenir de cette tragédie, mais ont aussi veillé à inclure les Allemands dans ce travail de mémoire et ainsi permis la réconciliation – et cette réconciliation reste, après toutes ces horreurs, un miracle.
Que cela passe aujourd’hui souvent par un travail accompli par des jeunes venus des deux côtés du Rhin est merveilleux.
Monsieur Hébras contribuait énormément à ce travail de mémoire, avec des amis allemands comme Fritz Körber.
Avec Robert Hébras, le dernier témoin du drame d’Oradour nous a quittés, mais pas le souvenir ni la responsabilité.

Nous, Allemands, nous inclinons devant les indicibles souffrances que Robert Hébras et toutes les victimes du massacre d’Oradour ont subies. Et nous saluons la grandeur d’âme dont Robert Hébras et les familles des victimes ont fait preuve en souhaitant la réconciliation.

Nous n’oublierons jamais Robert Hébras ni son action au service de l’amitié entre nos deux peuples et de la paix en Europe.

Merci.

Hommage à Robert Hébras par son ami allemand Fritz Körber

« Les personnes entrent dans notre vie et nous accompagnent pendant un certain temps.
Quelques une d´entre elles restent pour toujours, car elles laissent des traces dans nos cœurs. »

Chère famille Hébras,
Mesdames et Messieurs,

Lorsque des peuples surmontent les clivages du passé et apprennent à vivre ensemble dans un esprit de bon voisinage et d’amitié, c’est toujours l’œuvre de quelques personnalités courageuses et tournées vers l’avenir.

Les habitants de Moyenne-Franconie honorent aujourd’hui avec beaucoup de tristesse la mémoire d’un homme qui est devenu une institution pour l’amitié franco-allemande. A côté de la douleur du départ, il y a la gratitude d´avoir connu Robert Hébras. Sans vouloir préjuger de ce que les historiens ou les biographes diront un jour de l’œuvre de mon ami Robert, je ressens le devoir de lui rendre hommage, notamment en raison de mon expérience personnelle.

Robert était déjà pour moi une grande personnalité lorsque je l’ai rencontré il y a 38 ans, dans une des salles de la Meistersingerhalle à Nuremberg où il s´exprimait. Et je saisis l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour lui rendre hommage tout particulièrement pour le discours mémorable qu´il a tenu ce jour-là et son engagement inlassable en faveur de l’amitié franco-allemande et de l’entente entre les peuples.
Le 10 juin 1944, Robert a été témoin de ce qui peut arriver lorsque des hommes font fi de tous les préceptes et fondements éthiques. Son engagement en faveur de la paix et sa capacité de se tourner vers la réconciliation s’enracinent chez lui dans du terrible drame vécu.
Les paroles émouvantes de réconciliation et d’entente qu’il a adressées à nos deux peuples, en présence de Willy Brandt, en ce jour inoubliable du 8 mai 1985, ont rapproché tous les auditeurs, les Allemands et les Français, et ouvert un nouveau chapitre pour nos États et nos peuples.

Robert était un patriote passionné. Il incarnait, comme peu de personnes, la substance et le style. Malgré les terribles événements d’Oradour-sur-Glane, il s’est toujours battu pour la paix et l’entente entre les peuples : avec courage, toujours dans un esprit de conciliation et de réconciliation. Il a toujours eu un sens clair de la direction à suivre et s’est appuyé sur son pouvoir d’exhorter et d’orienter avec le mot juste. Sa personnalité et ses multiples engagements se reflètent également dans l’éventail des nombreux honneurs et distinctions qu´il a reçus.

Son savoir-faire, sa modestie et sa cordialité lui ont donné une dimension humaine impressionnante, qui restera à jamais inoubliable. Sa voix était inimitable, elle nous touchait souvent au plus profond de notre être. Robert restera à jamais dans ma mémoire et dans celle de beaucoup de personnes en Moyenne-Franconie : une personnalité à l’autorité marquée, d’une grande fraîcheur intellectuelle, convaincant dans son approche humaine, chaleureux et tourné vers l’amitié. Nous nous souviendrons de lui avec une profonde gratitude. Cher ami Robert, tu vas me manquer.

Aujourd´hui la Moyenne-Franconie est en deuil.
Les personnes suivantes m´accompagnent :
Armin Kroder, Président du Bezirk de Moyenne-Franconie,
Maria Scherrers, Membre de l´Assemblée du Bezirk en charge des jumelages avec la Nouvelle-Aquitaine,
Sylvie Feja, responsable du jumelage Moyenne Franconie/Nouvelle Aquitaine,
Robert Ilg, Maire de la ville de Hersbruck,
Pour le spectacle de Mademoiselle Marie : Fritz Stiegler l´auteur et ses collègues Thomas Dröge et Matthias Schäfer,
Et Christian Jechnerer, professeur de français au lycée Albert Schweitzer à Erlangen et organisateur du Tour de la Paix Erlangen  / Oradour-sur-Glane.

 

Oradour-sur-Glane, le 17 février 2023
Fritz Körber
Ancien Maire de la ville de Schwaig
Ancien vice-président du Bezirk de Moyenne-Franconie

Hommage à Robert Hébras par Philippe Lacroix Maire d’Oradour-sur-Glane

Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale,
Monsieur le Président François Hollande,
Votre excellence Monsieur 1’Ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne,
Madame la Préfète de la Haute-Vienne,
Madame la Consule Générale d’Allemagne,
Monsieur le Président de 1’Association Nationale des Familles des Martyrs, cher Benoît Sadry,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Vice- Présidente de la Région Nouvelle-Aquitaine,
Monsieur le Président du Conseil Départemental de la Haute-Vienne,
Monsieur le Président du Centre de la Mémoire, Cher Fabrice Escure,
Madame la Présidente et les membres de 1’Association des Amis de Robert Hébras, Histoire, Vigilance, Réconciliation,
Monsieur le Maire Honoraire d’Oradour-Sur-Glane,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités
Cher Richard, Chère Agathe, Chère Famille, Chers amis venus du Limousin, de France et de l’étranger,

Il avait rêvé d’être mécanicien dans le village où il était né le 29 juin 1925.
Il avait rêvé le midi après son travail de déjeuner dans la maison où il avait grandi auprès de sa maman et de sa famille.
Il avait rêvé le soir après la débauche de retrouver ses amis, Henri, Mimi, André, Marcel et tant d’autres au café du chêne pour partager un moment de convivialité autour d’un verre en refaisant le monde et en évoquant l’actualité du moment.
Il avait rêvé de ces dimanches paisibles à l’aube d’une journée lumineuse dans cette petite ville du limousin bercée par la Glane et le chant des oiseaux.
Il avait rêvé d’une vie simple et tranquille.

Hélas, des honnies en avaient décidé autrement.
Ce 10 juin 1944, la vie de Robert HEBRAS bascule comme celle des familles d’Oradour. L’arrivée de la division Das Reich, le rassemblement de la population, la séparation, un dernier regard de sa maman plein d’angoisse, puis Robert et ses camarades sont conduits dans la grange Laudy.
Dès lors, L’attente commence puis c’est le signal de la mitraille les plaintes, les gémissements, les soldats SS qui donnent les coups de grâce puis c’est l’embrasement.
Robert tente de sortir du brasier. Après de longs moments, il trouve refuge dans des étables jouxtant la grange.
Au bout de longues minutes, il y retrouve d’autres hommes Mathieu Borie, Yvon Roby, Clément Broussaudier, Marcel Darthout. Ils finissent les uns et les autres par s’extirper de cet enfer.
Pierre Poutaraud, le garagiste sera abattu dans sa fuite par une sentinelle

Aujourd’hui, nous pensons bien sûr et comme toujours à nos martyrs, aux familles, à celles et ceux, qui, toute leur vie, ont vécu dans le souvenir de cette journée d’épouvante.

Nous avons une pensée particulière pour Renée MANEUF, disparue en octobre dernier, Amélie LEBRAUD et Camille BARDET qui nous ont quitté il y a quelques jours.
Nous apportons toute notre affection à Camille SENON et André DESOURTEAUX, venus rendre hommage à leur ami.
Ce jour funeste du 10 juin 1944, Robert perd sa maman et ses deux sœurs, massacrées et brûlées dans l’église mais aussi ses nombreux amis.
Son village est entièrement incendié et détruit.
Le traumatisme est immense pour ce jeune garçon encore plein d’insouciance.
En cette période de conflit, il n’y avait pas de cellules psychologiques comme celles que l’on connaît de nos jours. Il ne fallait compter que sur soi-même pour lutter contre cette douleur indescriptible et dévastatrice et tenter de se reconstruire.

Puis ce fût, l’engagement dans la résistance avant que ne cesse cette guerre, puis la reconstruction d’Oradour et enfin ce garage qu’il allait exploiter pendant plusieurs années dans le nouveau village.

Dans le même temps, Robert fonda un foyer avec sa première épouse Yvonne : de cette union naitra son fils Richard.

Il exerça par la suite son activité professionnelle à Saint-Junien avant de prendre une retraite bien méritée auprès de Christiane dans sa maison de Perrier Bord.
C’est à partir de 1983, au moment du procès d’Heinz Barth à Berlin Est, que Robert va consacrer le restant de sa vie à la transmission de la mémoire. Il fait la rencontre d’un allemand qui deviendra son grand ami « Fritz KORBER ». Ce dernier le présentera au chancelier Willy BRANDT.
Robert HEBRAS va s’engager pleinement dans la transmission de la mémoire aidé en cela par ses puissantes convictions européennes. Il recevra de très nombreux groupes et délégations avec un attachement particulier aux plus jeunes auxquels il racontera son histoire tragique.

Il va s’évertuer ainsi à participer activement à la réconciliation avec 1’Allemagne nouant des liens solides Outre Rhin.

Son action aura indiscutablement permis d’aboutir à cette journée du 4 septembre 2013 avec la venue des deux Présidents allemand et français Joachim GAUCK et François HOLLANDE. Cette journée de réconciliation fût un grand moment chargé d’émotion et cette photo de Robert et des deux présidents dans l’église détruite figure à jamais dans notre histoire collective.

En 20!7, il accompagnait dans un moment intime le Président Emmanuel MACRON et des jeunes venus des 4 coins de France en leur expliquant inlassablement l’histoire de cette journée tragique du 1 0 juin où 643 martyrs avaient perdu la vie en apportant à nouveau son témoignage pour qu’ils deviennent à leur tour des passeurs de mémoire.

Au cours de cette même année 2017, nous recevions la troupe allemande de Cadolzburg pour une représentation unique de la comédie musicale « Mademoiselle Marie » ici dans notre ville. Je me souviens combien Robert était ému et heureux de cette évolution positive et de cette amitié qui se concrétisait.

L’engagement de Robert HEBRAS, ses actions en sa qualité de « témoin » du massacre du 10 juin, notamment auprès des plus jeunes, sa volonté perpétuelle d’être un « faiseur » de paix, ont été reconnus par la France mais aussi au-delà des frontières.

Robert HEBRAS recevra l’hommage de la Nation au travers de nombreuses distinctions : il était Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’Ordre des Palmes Académiques, Commandeur de l’Ordre National du Mérite, décoration remise en janvier 2022 par le Président de la République.

L’Allemagne a, quant à elle, élevé Robert HEBRAS au titre de Croix d’Officier de l’Ordre du Mérite Allemand, ce qui démontre combien sa détermination en qualité de facilitateur de paix était reconnue au-delà des frontières nationales.

Celui qui a œuvré et passé sa vie à la réconciliation des peuples a été distingué par le Parlement Européen en 2017 : la conscience citoyenne de cet Européen convaincu a ainsi été saluée.

Les dernières années de sa vie, Robert avait décidé de passer le témoin à Agathe sa petite fille pour que la transmission de son message puisse perdurer.

Il savait également qu’il pouvait compter sur nous pour ne pas oublier et pour porter ce message de paix, de fraternité et d’espoir.

Sa voix, cette voix si particulière, vient de s’éteindre mais elle continuera de raisonner dans notre esprit et dans nos cœurs

Son regard portait en lui cette lumière de l’espérance, celle d’un monde de tolérance et d’humanisme.

Il est de notre devoir à tous ici réunis de porter ensemble l’héritage que Robert HEBRAS nous laisse.
Il nous revient de poursuivre ensemble ce travail de mémoire et de défendre les belles valeurs qu’il portait.

Un grand monsieur vient de disparaitre.
Il était un homme d’exception qui mérite notre respect et notre affection. Il était pour certain un ami, un frère, pour d’autres une connaissance, il était le dernier témoin.
Il était Robert HEBRAS.
Toutes et tous aujourd’hui, nous lui témoignons de notre très grande considération.

Denis DIDEROT écrivait :
« La mémoire, c ‘est cette propriété qu’a le vivant de transcender le temps. Elle assure à la fois la survivance du passé et la persistance du présent dans l ‘avenir ».

Robert HEBRAS était cette mémoire.
Nous poursuivons à notre tour, dès aujourd’hui, la mission qui était sienne, pour ne jamais oublier …et pour que perdure cette transmission au-delà des ans, au-delà des temps. Pour que l’histoire de Robert HEBRAS perdure dans la grande Histoire, et pour pouvoir reprendre les mots qu’il a écrit des dizaines, des centaines, des milliers de foi « Oradour, souviens toi… ».

À Richard, à Agathe, à la famille de Robert Hébras et à ses amis, j’adresse en mon nom personnel, au nom du Conseil municipal et du personnel communal mais aussi au nom des Radounaudes et des Radounauds, nos très sincères condoléances et les assure de notre soutien et de notre profonde affection.

 

Philippe LACROIX

Hommage à Robert Hébras par Benoît Sadry président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane

Benoît Sadry, président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs et adhérent d’OHVR depuis 2012, nous autorise à publier le texte de son allocution lors de la cérémonie du 17 Février 2023 en Hommage à Robert Hébras.

Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire d’État,
Votre Excellence Monsieur l’Ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne,
Madame la Consule d’Allemagne,
Monsieur le Président Hollande,
Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
Madame la Vice-Présidente du Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine,
Monsieur le Président du Conseil Départemental,
Monsieur le Maire d’Oradour-Sur-Glane,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,

Tous ceux qui ont connu Robert Hébras conserveront de lui cette image de passeur de mémoire, celle d’un européen épris de liberté et de fraternité, celle d’un homme de paix et de réconciliation entre les peuples.
Pour nous, Robert, était avant tout l’incarnation de la gentillesse et de la simplicité, un homme au regard pétillant et au sourire malicieux, un homme rempli d’humilité.

Jamais il ne s’est considéré comme un héros, tout au plus s’est-il résolu – avec le temps – à accepter la qualité de témoin de l’histoire, car, pour lui, le témoin sacré de la tragédie qui s’est déroulée ici, était Marguerite Rouffanche, l’unique femme à avoir échappé à l’enfer de l’église, l’ultime voix des 450 femmes et enfants d’Oradour.

S’il a reçu des hommages pour son œuvre de mémoire – auprès de la jeunesse notamment -il a toujours prétendu et affirmé qu’il les recevait pour les victimes et qu’il les leur dédiait.

L’humilité de Robert me revient à l’esprit quand je me remémore cette journée du 25 janvier 2022, et plus particulièrement le moment immédiat après que le Président de la République ait quitté Oradour.
Robert venait de recevoir la cravate de Commandeur de l’Ordre National du Mérite. Voici ses mots :
« Tu te rends compte, le Président de la République est venu juste pour moi, j’ai peine à y croire ».
En effet, quand j’y repense, je mesure l’importance que cela pouvait revêtir pour un homme de sa génération. Lui qui était né ici, le 29 juin 1925, à une époque où les moyens de communication n’étaient pas ceux que l’on connaît aujourd’hui, à une époque où un jeune limousin avait peu de chance de rencontrer en personne le Président de la République au cours de son existence.

Comment aurait-il pu imaginer quand il était encore enfant, quand il jouait aux billes sur les bords des trottoirs des rues que nous venons de parcourir, avec ses copains André Désourteaux et Henri Bouchoule, qu’un jour le Président de la République ferait spécialement ce déplacement pour lui ?
En fait, ce qu’il avait du mal à réaliser c’est la raison d’un tel honneur. Pour lui, témoigner auprès des visiteurs, anonymes ou officiels, allait de soi, il n’y avait pas d’honneur particulier à en attendre ; ce n’était même pas un devoir, c’était tout simplement une évidence.

Comment aurait-il pu imaginer, le 10 juin 1944 aux alentours de 13h30, alors qu’il discutait encore tranquillement sur le pas de sa porte avec son copain Mimi, que quelques heures plus tard il serait pour le reste de sa vie la mémoire vivante des 643 habitants du village de son enfance massacrés par les balles de l’ennemi ?

Comment aurait-il pu penser, après cette tragique journée, confronté à la souffrance incommensurable de la perte de sa mère, Marie, et de ses deux sœurs, Denise et Georgette, lui, le modeste apprenti mécanicien de 19 ans, empli de haine et de soif de vengeance envers le boche assassin, que quelques décennies plus tard il serait l’une des voix les plus sincères pour défendre et soutenir l’amitié franco-allemande ?

Robert Hébras n’a pourtant pas été immédiatement le témoin que nous avons connu. Il lui a fallu du temps et de l’abnégation pour apprendre à dépasser ses souffrances et à surmonter son deuil.
Pour sortir de son silence, il a dû accepter également l’idée qu’il n’y aurait pas de justice pour les martyrs d’Oradour.

En effet, Robert nous quitte en ce mois de février 2023, mois au cours duquel, il y a précisément 70 ans se terminait devant la justice militaire, à Bordeaux, le procès dit d’Oradour.

Un procès qui a divisé notre pays pendant plusieurs semaines puisque – comble du malheur pour la France de l’après-guerre – 13 des 21 accusés étaient des Alsaciens. Du 12 janvier au 13 février 1953, deux mémoires s’y sont confrontées, deux crimes de guerre subis par des Français s’y sont opposés – le massacre d’Oradour-sur-Glane d’un côté et, de l’autre, le drame de l’incorporation de force vécu par l’Alsace.

N’ayant pu se porter partie civile, Robert est convoqué le 22 janvier 1953 pour faire une déposition devant les juges militaires. Le président lui demande d’aller à l’essentiel et de raconter brièvement ce dont il a été le témoin, mais Robert attendait tout autre chose. Il aurait souhaité qu’on prenne le temps de l’écouter, qu’on entende ses souffrances ; que les accusés répondent à ses questions, la réponse à certaines d’entre elles aurait peut-être pu mettre un terme à quelques-uns de ses pires cauchemars.

Mais il n’en eut pas le droit.

Pire encore, il doit prendre acte et se résoudre à concéder, en plein procès, que le législateur modifie rétroactivement la loi, il lui faut accepter ensuite un verdict jugé trop clément à Oradour, et, enfin – alors que l’encre du jugement n’est pas encore totalement sèche – que le Parlement français vote une loi d’amnistie au nom de l’unité nationale. A cette époque, pour les survivants comme Robert, pour les familles, cette loi est considérée comme une trahison de l’État. Pour eux, en plus d’être le plus grand massacre de civils en France pendant la Seconde Guerre Mondiale, Oradour sera désormais le symbole du crime impuni.

Malgré tout, les blessures vont cicatriser à mesure que le temps passe. En 1983, alors qu’il est récemment devenu président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour, il est appelé, avec quelques autres survivants, à témoigner au procès d’un sous-lieutenant dont la participation au massacre est avérée, et qu’un tribunal de Berlin-Est s’est enfin décidé à juger.

Là encore, Robert en revient déçu. L’ancien S.S. n’a pas répondu à ses questions. Ce dernier, en apprenant qu’il y avait des survivants, a même estimé que son travail à l’époque avait été mal fait.

Malgré les déceptions, ce moment marque pourtant un tournant décisif dans la vie de Robert Hébras.

Au cours du procès, des journalistes allemands vont reprendre son témoignage dans la presse et, quelques mois plus tard, il est invité par l’ex-Chancelier Willy Brandt à prendre la parole à la Conférence Internationale sur la Paix. C’est là qu’il va commencer à tisser des liens indéfectibles d’amitié avec un allemand et que sa perception de l’Allemagne et des allemands va radicalement changer.

Cher Fritz Körber, merci d’avoir fait le déplacement pour saluer aujourd’hui la mémoire de votre ami. Il y a dans la vie des rencontres qui changent les destinées. Votre rencontre avec Robert, il y a bientôt 40 ans, a bouleversé sa vie. Votre présence aujourd’hui, en ce moment si particulier, donne tout son sens à l’amitié franco-allemande si chère à Robert.

C’est en effet à ce moment-là que Robert prend conscience que les cendres d’Oradour, comme celles des martyrs des camps de concentration, des victimes des bombardements ou des résistants suppliciés jusqu’à l’ultime agonie, sont en fait le véritable ciment de l’Union Européenne.
En plus d’expliquer la tragédie et de transmettre le souvenir des victimes, il comprend qu’il faudra dorénavant montrer et expliquer aux nouvelles générations que des hommes courageux et visionnaires ont signé, dès 1957, le premier Traité d’Union Européenne, pour éviter que de nouveaux Oradours se reproduisent.

Dès ce moment, Robert va se consacrer à bâtir des ponts entre les hommes en apportant son soutien à tous les projets aptes à développer ce nouvel idéal européen fondé sur la liberté, la dignité de l’Homme, la justice et la solidarité. Il reprend ainsi à son compte, un souhait magnifiquement formulé par Roman Kent, un survivant du camp d’Auschwitz-Birkenau, qui disait : « Nous ne voulons pas, non, nous ne voulons pas que notre passé soit l’avenir de nos enfants ! »

Dans le même temps, Robert voit le village martyr se dégrader au fil des saisons, et sensibilise toutes les personnalités politiques qui vont venir en visite, sur le fait que c’est en veillant à l’entretien des pierres dans leur totalité, que la jeunesse européenne de demain pourra comprendre ce que fut ce massacre de masse en plein cœur de la France.

Évidemment, l’ouverture d’esprit de Robert vis-à-vis de l’Allemagne a pu être difficile à accepter par certains de ses amis ici qui avaient souffert, comme lui, dans leur chair comme dans leur cœur, de cette tragédie.

Robert avait un temps d’avance, c’était un visionnaire et un analyste avisé. L’avenir lui a donné raison. Au final, tous ont fini par se rallier à lui pour défendre cet idéal européen – humaniste et démocratique – consistant à nouer des coopérations entre les peuples afin d’éviter d’avoir à revivre les souffrances du passé. Tous ont compris que cette philosophie était véritablement le meilleur hommage qui puisse être rendu à ceux qui étaient tombés en martyrs ce 10 juin 1944.

C’est vraiment dans cet esprit, avec votre concours et en votre présence Monsieur le Président Hollande, que Robert accompagne, le 4 septembre 2013, à travers les ruines d’Oradour, le Président de la République Fédérale d’Allemagne, Joachim Gauck, venu officiellement reconnaître le crime de guerre perpétré ici par « une unité sous commandement allemand ».

Pour lui qui avait su depuis longtemps tisser des liens avec le peuple allemand, cette visite rend possible désormais, pour les familles des victimes et les autres survivants du massacre, un nouveau chemin vers l’avenir, « un avenir commun, un avenir pacifique, dans le partenariat entre la France et l’Allemagne ».

Après cette journée qui aurait pu être l’aboutissement de son engagement au service de la mémoire, Robert va continuer de soutenir plusieurs projets franco-allemands, ici-même ou en se déplaçant encore à plusieurs reprises sur le sol allemand.

Je pense avoir eu la chance de partager avec lui, le 3 août dernier, l’ultime étape de son chemin vers la réconciliation, celui où, victimes et auteurs de la tragédie, pleurent ensemble les morts.

Ce jour-là, grâce à notre amie, l’historienne allemande Andrea Erkenbrecher, il va rencontrer la petite-fille de l’un des deux soldats qui, le 10 juin 1944, avaient tiré sur le groupe d’hommes de la grange Laudy et dont les balles l’avaient touché personnellement. Les premières minutes de cette rencontre n’ont été faciles ni pour elle, ni pour lui, tellement la dimension émotionnelle et symbolique de ce rendez-vous avait de sens pour l’un et l’autre.

En s’écoutant mutuellement, chacun a pu prendre conscience qu’aucun n’était ressorti indemne de cet évènement, ni la victime, ni celui qui était de l’autre côté du fusil. La jeune femme a ainsi expliqué que son grand-père n’avait que 17 ans à l’époque et qu’il avait été intégré à la Division S.S. Das Reich qu’en mars 1944, Oradour était en quelque sorte son « baptême du feu ».

Après le procès de Bordeaux en 1953, prenant conscience que sa participation dans ce massacre hanterait toute sa vie, il s’est livré à la justice de son pays. A l’époque, il a raconté toute son implication dans la tragédie, sans chercher aucunement à se disculper. Ses dépositions retrouvées ont montré qu’il avait avoué avoir d’abord tiré sur un groupe d’hommes (celui dans lequel se trouvait Robert) puis, plus tard dans l’après-midi, avoir participé activement à l’exécution des femmes et des enfants dans l’église. Malgré les dépositions, qu’il fera par deux fois en 1953 puis en 1956, les magistrats instructeurs ont manifesté peu d’intérêt pour son affaire, et l’ont classée sans suite.  Au final, il portera toute sa vie et d’une certaine manière dans la souffrance, avec le poids de la solitude et du silence, le fait d’avoir du sang sur les mains.

La rencontre avec sa petite-fille, que tous pensaient brève, va durer finalement près de trois heures. L’échange sera passionnant et empreint d’humanité.

Au moment de partir, elle s’est approchée de Robert pour le saluer et instinctivement il l’a prise dans ses bras. Alors qu’il s’apprête à lui dire au revoir, il lui confie : « Vous savez il y a eu dans ma vie des jours importants, mais aujourd’hui c’est comme si c’était votre grand-père qui était venu me voir. La boucle est bouclée. Merci ».

Ces paroles étaient bouleversantes, elles résonnaient comme la satisfaction de quelque chose d’attendu depuis longtemps et d’enfin réalisé, la preuve attendue et tant espérée d’une repentance sincère de l’un des bourreaux.

Pour la jeune femme, cette rencontre lui aura permis de finaliser la démarche engagée par son grand-père consistant à reconnaître son implication dans la tragédie.

Samedi dernier, dès qu’elle a appris la nouvelle de la disparition de Robert, elle a été l’une des premières à m’adresser un message. Je vais vous en donner lecture car il résume à lui seul l’homme qu’était Robert et dont nous devons nous souvenir :
« Même si je n’ai eu l’honneur de le rencontrer qu’une seule fois, j’ai l’impression d’avoir perdu quelqu’un avec qui mon histoire est profondément liée.
Je me souviens avoir eu peur quand nous nous sommes rencontrés. Peur d’être jugée pour quelque chose que je n’avais pas fait. Mais l’une des premières phrases qu’il m’a adressées a été : « ce n’est pas votre faute ».
Quel grand personnage il était ! Surtout dans le contexte de ce qu’il a vécu à travers mon grand-père. J’aurais pu m’attendre à ce qu’il soit simplement poli, je ne m’attendais franchement pas à ces paroles au début de notre entretien. Pour moi, il est, et, était la paix en personne. Il m’a enseigné le pardon.
Je dis au revoir à un grand homme et je suis remplie d’espoir à l’idée qu’il parte en paix ».

Artisan de paix, acteur de la réconciliation avec l’Allemagne, ardent défenseur de l’Europe, le jeune enfant né à Oradour en 1925 est, et doit rester inexorablement, un exemple à suivre, une mémoire à faire vivre, un travail à poursuivre.

Dans nos sociétés où la violence semble gagner chaque jour un peu plus, où le développement de l’individualisme favorise la montée de la xénophobie et du racisme ; dans ce monde qui nous offre à nouveau – aux portes de l’Europe – le spectacle de combats que nous croyions ceux d’un autre temps, d’images de ruines fumantes et de rues jonchées de cadavres qui nous ramènent avec brutalité à ce à quoi ressemblait Oradour au lendemain du massacre en 1944 ; Robert Hébras nous laisse en héritage le devoir qu’il avait fait sien, celui de promouvoir – mais aussi d’en être les gardiens – des valeurs humanistes, démocratiques et de solidarité de ceux qui ont imaginé l’Europe d’après-guerre et dont nous bénéficions aujourd’hui encore.

Il s’agit là de notre devoir envers ceux qui sont tombés, il y a bientôt 80 ans, de notre devoir aujourd’hui envers Robert, car, comme l’a si bien écrit notre ami le Président de la Fondation du Camp des Milles, Alain Chouraqui :  « nous, nous savons maintenant que  les nations les plus « civilisées » peuvent aussi produire des monstres et des monstruosités. Nous savons jusqu’où et surtout comment la barbarie humaine peut tout emporter, jusqu’à l’humanité même de l’homme ».
A nous d’être vigilants !

Le devoir de mémoire qui animait Robert – et qui nous rassemble une dernière fois autour de lui aujourd’hui – doit permettre à nos compatriotes de saisir les signes du passé dans notre présent, afin de pouvoir construire ensemble l’avenir pour lesquels certains – en d’autres temps – n’ont pas hésité à sacrifier leur vie.

Robert, nous avons eu la chance d’avoir avec toi ce contact unique, irremplaçable, de celui qui pouvait dire « j’y étais, j’ai vu ».

Nous devons mesurer la chance, le privilège que nous avons eu de vivre aux côtés d’un tel témoin de notre Histoire.

Robert, pour éviter la négation de l’homme qu’engendre les dictatures et d’autres déchainements de violences tels que ceux que tu avais vécu ici, tu avais un rêve… un rêve de fraternité universelle… il nous appartient aujourd’hui de le faire vivre.

Tu nous as tracé un chemin, nous suivrons cette route pour que jamais l’histoire d’Oradour ne s’éteigne. Nous serons les garants de ta mémoire, de ton histoire et de l’Histoire d’Oradour.

Nous ferons nôtre le « Oradour – souviens toi » qui était tien….

Je terminerai en reprenant les termes de Victor Hugo « Et de l’Union des Libertés dans la fraternité des peuples, naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera par le genre humain la vie universelle et qu’on appellera la Paix de l’Europe ».

 

Benoît SADRY

A lire, pour mieux connaître Robert Hébras

Le dernier témoin1 d’Oradour-sur-Glane, Harper-Collins, 2022

On ne peut qu’être touché par l’empathie et la sincérité de ton de Mélissa Boufigi, journaliste à Ouest-France, dans l’ouvrage qu’elle a consacré à Robert Hébras et à sa petite-fille Agathe, associés avec délicatesse comme co-auteurs.

À l’origine d’une relation de confiance : une rencontre au cours d’un reportage à Oradour en 2020. Il s’agit, selon l’auteure, d’un « récit de vie », où elle croise, d’un chapitre à l’autre, les confidences autobiographiques de Robert avec le rappel documenté2 de la tragédie du 10 juin 1944 et de ses suites, procès de Bordeaux et de Berlin-Est. On y trouve la réponse à deux questions. L’une, intime : qui était ce jeune homme de 1944, dont le destin personnel et familial a été frappé par l’irruption d’une horde guerrière dans un village jusqu’alors épargné par la guerre ? L’autre, sur la portée et la pérennité de son témoignage : comment entretenir et transmettre la mémoire de ce crime de guerre ? Le lecteur pourra parcourir les souvenirs d’enfance et de jeunesse, puis les années où le survivant a dû refouler l’horreur subie et se relever, absorbé dans son travail quotidien de mécano, avant de s’engager au service de la mémoire des 643 victimes, portant un témoignage nécessaire, éprouvant, donnant sens à toute une vie.

Depuis plus de quarante ans, en effet, il accomplit sans relâche un devoir, celui d’informer les générations et d’interpeller les consciences. Il peut exprimer avec exactitude, lui, l’un des cinq survivants de la fusillade de la grange Laudy, ce que fut le drame vécu par les habitants de son village et dire avec pudeur le traumatisme éprouvé à la découverte du sort atroce des femmes et des enfants dans l’église. Traumatisme personnel de la disparition de Marie, la mère, et des deux sœurs, Georgette et la petite Denise, douleur ineffaçable sur laquelle Mélissa Boufigi trouve les mots justes.

Robert a pris à cœur son statut de témoin, résumant son propos dans la formule « ni haine, ni oubli ». Ce message a eu un écho en Allemagne, ainsi auprès de l’ancien chancelier Willy Brandt qui l’a invité en mai 1985 à une bien nommée « Conversation pour la paix », dans un lieu symbolique, Nüremberg. « Orfèvre de la paix »3 il a reçu un gage de reconnaissance le 4 septembre 2013, des présidents Joachim Gauck et François Hollande, en les accompagnant sur les lieux du massacre.

Ce livre vient compléter les trois ouvrages où Robert a transcrit son témoignage, dont l’indispensable Avant que ma voix ne s’éteigne4. Son souci de fidélité aux victimes d’une idéologie criminelle et de prévention contre la déformation des faits, voire leur négation, ne cesse de l’inspirer ; c’est le sens de l’engagement de notre association à ses côtés.

Mais la marche inexorable du temps le préoccupe, bien qu’il fasse preuve d’une vitalité exceptionnelle et d’une disponibilité qui force l’admiration face aux innombrables sollicitations. Dans ce livre Mélissa Boufigi envisage, pour ainsi dire, un passage de témoin, en relatant l’initiation d’Agathe, sa petite-fille. À elle est désormais dévolu un rôle de « passeuse de mémoire ». Une prise de responsabilité, une vocation confirmée par des études d’histoire et une mission au sein de la Fondation du patrimoine, de quoi réjouir son grand-père et le rassurer : sa voix ne s’éteindra pas.

Philippe Pommier


1 Raccourci pour les besoins du titre : Robert est le dernier témoin direct, le dernier survivant du massacre.
2 L’auteure a le mérite de citer ses sources et ses références filmo- et bibliographiques. À ces dernières, manquent cependant les travaux de Jean-Jacques Fouché, Oradour (Liana Levi, 2001) et Oradour, la politique et la justice (Lucien Souny,2004).
3 C’est le beau titre que lui donne Mélissa Boufigi, p 147.
4 Elytel éditions, 2014. Entretien avec le journaliste Laurent Borderie, qui, dans le Populaire de Centre, en 2012, a donné l’alerte à propos de la condamnation malencontreuse de Robert Hébras par la cour d’appel de Colmar, à la suite d’une correction omise par son éditeur dans son premier récit, Oradour, le drame heure par heure.
Injustice qui a motivé la création de notre association et que la Cour de cassation a heureusement annulée.

Compte rendu de l’Assemblée Générale ordinaire du 5 mars 2022

Bernadette Malinvaud, présidente de l’association « ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation » (OHVR), remercie chaleureusement les adhérents de leur présence et de leur fidélité. Elle insiste sur l’immense plaisir de se retrouver après 2 ans de pandémie qui ont empêché l’organisation de toutes les rencontres.

Aujourd’hui, 34 adhérents d’OHVR sont présents auxquels s’ajoutent 49 procurations. Le quorum est atteint.
Bernadette Malinvaud, au nom de tous les membres de l’assemblée, se félicite de la présence de Robert Hébras et d’Agathe, sa petite fille, à qui il a passé le flambeau de la mémoire. Dorénavant, ils interviennent ensemble. Robert sait qu’il peut compter sur elle. Elle sera à la hauteur de sa confiance.

Chacun est très heureux que Robert ait recouvré une meilleure santé qui lui permet de nous faire l’honneur de présider cette assemblée. Et nous sommes tous très fier de sa promotion au grade de Commandeur de l’Ordre National du Mérite. Cette décoration lui a été remise par le Président de la République, le 25 janvier dernier. Cette distinction reconnait son engagement, au service de la mémoire d’Oradour, du souvenir des victimes et comme citoyen porteur d’un message de Paix, depuis de très nombreuses années. Robert reçoit les félicitations de tous accompagnées d’applaudissements nourris. Il reçoit également des mains de la présidente, au nom de l’association, non pas des fleurs, mais des chocolats dont il est très friand et qui sont le remède idéal pour lui apporter toute l’énergie nécessaire pour poursuivre son combat.
Robert très touché remercie de cette délicate attention.

Toutefois, un bémol vient tempérer le bonheur de se retrouver. La présidente sait que chacun des présents a une pensée pour le peuple ukrainien, à plus forte raison à Oradour. Ce peuple subit la politique de terreur d’un président autocrate qui a pour rhétorique celle déjà utilisée il y a 80 ans, pour tuer délibérément. On ne peut que partager la douleur de ce peuple et essayer de l’aider selon nos possibilités. Des crimes de guerre sont aujourd’hui perpétrés dans un pays européen.

Robert souhaite intervenir pour saluer l’assemblée de bon cœur et remercier les présents d’être aussi nombreux. Il est très heureux de nous revoir et assure qu’il sera parmi nous aussi longtemps qu’il le pourra physiquement et moralement.

La présidente présente les excuses de nombreux adhérents qui ont envoyé leur procuration ainsi que celles de Jean Claude Leblois, président du Conseil départemental, représenté par Sylvie Tuyéras, conseillère départementale, adhérente à l’association depuis sa création en 2012, de Pierre Allard, maire de Saint-Junien, lui aussi adhérent depuis 2012.

Elle remercie également Annie Dardillac, maire de Javerdat et tout particulièrement Philippe Lacroix, Maire d’Oradour-sur-Glane, toujours à notre écoute. Comme chaque année, nous le remercions de mettre à notre disposition cette salle communale.
Bernadette Malinvaud cède alors la parole à Philippe Lacroix.

M. le Maire salue l’assemblée, les maires des communes limitrophes, son maire adjoint, Benoit Sadry et particulièrement Robert Hébras. Il revient alors sur la décoration de Robert, le 25 janvier dernier. Il tient à souligner que ce moment a été un grand bonheur pour Robert mais aussi un grand bonheur pour tous. Cette distinction honorait non seulement Robert mais aussi ce qu’il représente. L’émotion de Robert était partagée par les personnes présentes à la cérémonie et par de nombreuses autres au-delà d’Oradour et même au-delà des frontières françaises. Les amis allemands ont manifesté leur amitié et leur soutien en cette journée particulière. Être décoré par la Président de la République est un véritable honneur.
Il revient sur la situation en Ukraine et fait part de son inquiétude. À l’instar de ce qui s’est passé il y a 80 ans, personne ne sait comment peut évoluer un conflit face à un despote. L’association des maires de la Haute-Vienne, en partenariat avec diverses associations, comme partout en France, a mis en place une collecte de produits de première nécessité. D’autres actions seront menées, notamment l’accueil de réfugiés. Chaque pays européen a son rôle à jouer dans le respect des valeurs intransigeantes de la démocratie que l’on doit défendre
.

La présidente reprend la parole afin d’évoquer le souvenir de celles et ceux qui nous ont quitté depuis la dernière assemblée.
Elle s’excuse pour d’éventuels oublis et demande à l’assemblée de les lui signaler.
– Albert Valade, 14 ans au moment du massacre, inlassable témoin du massacre mais aussi très engagé dans la renaissance d’Oradour
– Annie Romério
– Jean Michel Brousse
– Madeleine Albert-Roulhac
– Michel Bois
– Claude Bérody, qui fut commissaire aux comptes
– Christiane Hébras, l’épouse de Robert, disparue en décembre 2020. Nous gardons le souvenir ému de son sourire et de sa chaleureuse bienveillance.
– Serge Martin, survivant du massacre de Maillé que OHVR avait reçu pour une conférence il y a quelques années, avec Romain Taillefait, directeur de la Maison du Souvenir de Maillé. Il est décédé la veille du décès de Christiane.
Une minute de silence est observée à la mémoire de tous.

Robert Hébras reprend la parole. Il souhaite informer l’association d’une visite de la DRAC concernant la conservation des ruines du village. Elles ne seront pas réduites. Elles seront conservées en l’état avec les moyens nécessaires pour leur entretien. Le Président de la République s’y est engagé lors de sa venue en janvier. Les personnes présentes pour cette visite venaient de Paris. Elles souhaitaient savoir si les ruines étaient autant visitées que par le passé, ce qui leur a été confirmé. Robert est satisfait de savoir que le parcours dans le village ne sera pas réduit.
Il ajoute que le Centre de la Mémoire va être rénové à partir de 2024.

Philippe Lacroix complète les propos de Robert. Les inspecteurs ont été reçus par toutes les parties prenantes du site d’Oradour : l’Association Nationale des Familles des Martyrs, le Centre de la mémoire, Robert et Agathe Hébras, le maire et Benoit Sadry. La constatation principale était que les ruines se détérioraient et qu’il n’était plus possible de les entretenir comme il y 30 ans. Un effort financier manifeste devait être fait. Des techniques existent mais il faut en avoir la volonté. Ce message a été transmis au Président de la République lors de sa venue. Un dossier lui a été remis à cette occasion. La somme allouée jusque-là ne suffisait plus si l’on souhaitait conserver à la visite une grande partie du village martyr. Il a été assuré que l’état resterait fidèle à Oradour. Il n’y a pas de raison d’en douter car cela a toujours été le cas. Il y a de plus en plus de murs qui s’effondrent, une végétation qui pousse à l’intérieur et qui n’arrange rien. Il sera tenu compte de notre demande car lorsque le paysage disparaît, c’est toute la mémoire qui s’efface. Philippe Lacroix et Benoit Sadry ont souligné, lors de cette visite, que, certes l’église est un endroit très symbolique mais que les 643 victimes ne faisaient qu’une et que toutes les habitations devaient être traitées avec égard.

Ordre du jour
1 – Approbation du compte-rendu de l’Assemblée Générale du 18 mai 2019.
À l’issue du vote, le compte-rendu de l’Assemblée Générale du 18 mai 2019 est adopté à l’unanimité.

2 – Rapport d’Activités par la présidente, Bernadette Malinvaud
Au cours des années 2020-2021 nous avons tous subi les contraintes sanitaires, le rapport d’activité en est forcément réduit.
Les adhérents ont reçu en juin 2020 un document qui rappelait les deux manifestations qui se sont déroulées en 2019, à l’espace Cité à Limoges, auxquelles ont assisté une soixantaine de personnes :
– La projection du film de Jérôme Amimer : « Récits d’Oradour »
– La conférence d’Héloïse BELOIR sur le thème de : « la conservation des ruines ».

Lors de l’AG 2019, il avait été question du partenariat et de la convention signée avec l’Association des Communes Jumelées de Nouvelle Aquitaine (ACJNA) concernant la projection du film « Mademoiselle Marie » (adaptation filmique de la comédie musicale du même nom présentée à Oradour en 2017).
L’ACJNA a acquis les droits de diffusion du film et propose des projections gratuites sur tout le territoire de la Nouvelle Aquitaine, auprès des scolaires et du grand public des communes jumelées.
À l’initiative du président de l’ACJNA, Maxime Négremont, adhérent d’OHVR, pris aujourd’hui par d’autres engagements et que je vous demande de bien vouloir excuser, après chaque projection, un débat est proposé avec le public en présence d’un membre de l’association des communes jumelées et d’un membre d’OHVR apportant un regard historique sur le contenu du film.
En 2019-2020, OHVR, a participé à 10 ciné-débats dans toute la Nouvelle Aquitaine, concernant plus de 1000 personnes. En 2021, après l’interruption due à la pandémie, 4 séances ont eu lieu et 4 sont déjà prévues en 2022.

Concernant, les interventions en accompagnement de Robert Hébras, la dernière a eu lieu au Lycée Saint Exupéry de Limoges, en février 2020. Elle faisait suite à la projection du film « Mademoiselle Marie ». Les élèves avaient souhaité avoir plus de précisions sur le massacre d’Oradour.

Aujourd’hui, il est hors de question de demander à Robert d’aller dans les lycées et les collèges. Physiquement, il a besoin de repos.
Robert continue à recevoir beaucoup de courrier, tant pour lui dire la satisfaction d’avoir lu son livre « Avant que ma voix ne s’éteigne » que pour lui demander des renseignements divers et variés, des courriers d’adultes mais aussi de jeunes qui veulent faire un travail parallèle à ce qu’ils apprennent au lycée.
Ces demandes se font aussi via la messagerie d’OHVR. La présidente est actuellement en contact avec un jeune de Normandie, depuis 2 ans. Il écrit un livre : « Souvenirs de guerre » dans lequel il intègre un ensemble de témoignages de résistants, de déportés, de prisonniers de guerre et de Robert … Son ouvrage sera publié sous l’égide de l’ONAC.

En août 2020, à la suite des inscriptions révisionnistes peintes sur le mur du CMO, OHVR a porté plainte en appui aux plaintes du président du CMO et du maire d’Oradour. Un communiqué a été publié dans la presse et envoyé par mail à tous les adhérents avec un lien pour signer une pétition de soutien à Robert et aux familles d’Oradour. Cette pétition a obtenu 2309 signatures.

En février 2021, Robert a reçu de son avocat, Maître Gaffet, le règlement de la somme de 2319,03 € clôturant le dossier du « contentieux » avec les ADEIF. Le dossier qui date de 2013 a une fin heureuse en 2021 … La présidente précise que le règlement de ce dossier est dû en partie à la ténacité de Sylvie, membre d’OHVR et secrétaire de Me Gaffet, qui, depuis 2017, a multiplié les recherches et les interventions auprès des instances juridiques concernées.

Par anticipation sur les activités pour 2022, Philippe Pommier intervient pour présenter une conférence à laquelle a été associée OHVR avec 17 autres associations, « La rhétorique de la haine », conférence qui a eu lieu le 4 mars 2022 à Limoges.
Cette conférence a permis de réagir fortement face à un discours de haine qui se répand depuis quelques mois en France à l’approche de l’élection présidentielle. Ces messages de haine couvrent les médias, les chaines d’infos en continu, les réseaux sociaux et on ne peut pas laisser envahir le débat public par ce genre de message. C’est pour cela que nous avons pensé que notre association pouvait être aussi partie prenante dans cette initiative qui a été prise par l’IHS-CGT de la Haute-Vienne, le MRAP, la Libre Pensée, l’association rencontre des historiens du limousin et puis, des associations de mémoire de la déportation, des associations antiracistes, la LICRA, la Ligue des Droits de l’homme, SOS racisme … il y avait en tout 17 associations regroupées qui ont invité l’historien, Gérard Noiriel. Il s’est adressé au cours de deux séances originales – gesticulées – c’est-à-dire théâtralisées avec une comédienne, dans lesquelles il a mis en parallèle les discours de haine qui se répandaient à la fin du 19ème siècle, début du 20ème siècle dans la presse de masse de l’époque, dans des journaux et dans des ouvrages de grande diffusion sur l’antisémitisme, en particulier la France Juive de Drumont et les discours d’aujourd’hui. Ce parallèle s’appuyait sur la construction des discours – la rhétorique – des propos de Drumont et les messages haineux d’Éric Zemmour à l’égard d’un autre bouc émissaire qui est aujourd’hui l’immigré et particulièrement le musulman. Cette initiative a eu un franc succès. Le conférencier tenait à ce qu’il y ait des jeunes et 2 lycées étaient représentés : le lycée Gay Lussac avec 3 classes et le lycée Dautry avec 2 classes soit 150 élèves dont les réactions ont été remarquables. Ce sont des élèves assez motivés car ils suivent des options d’histoire et de géopolitique. Ils ont été particulièrement pertinents dans leurs questions. Le débat qui a suivi la conférence a été très riche. En soirée, la salle était pleine et les organisateurs ont dû refuser du monde. Le lieu choisi : l’espace Simone Weil à Limoges, était aussi symbolique.

Bernadette Malinvaud reprend la parole pour présenter le projet phare de l’association : l’édition d’une BD sur Oradour.
Ce projet est né en partie à l’initiative de Robert qui a fait le constat qu’il y avait beaucoup de livres d’histoire sur Oradour mais qu’il faudrait, pour la mémoire, s’adresser de plus en plus aux jeunes. Et si on faisait une bande dessinée a-t-il proposé ! Mais nous ne savions pas faire. Nous avons dû nous appuyer sur des « professionnels » car ce que nous souhaitions alors par-dessus tout, c’est que cet album soit un ouvrage de référence « inattaquable historiquement ».

Grâce à l’intérêt, à l’investissement d’un auteur, Jean-François Miniac, d’un dessinateur, Bruno Marivain et d’un éditeur Nicolas Anspach la BD est en cours de réalisation.
Jean-François Miniac, après s’être approprié le contenu d’une importante bibliographie est venu, plusieurs fois, sur le site d’Oradour où il s’est « imprégné » des lieux.
Il a longuement interviewé et écouté les deux deniers témoins ; Robert Hébras survivant du massacre et Camille Senon, passagère du tramway venu de Limoges au soir du 10 juin 1944.
Ainsi a-t-il pu écrire un scénario très documenté, rigoureux dans sa précision qui a été validé par un comité de lecture, au cours duquel les représentants de l’association des Familles d’Oradour ont proposé à Jean-François Miniac quelques modifications de détails concernant les dialogues.
Notre exigence première était, en effet, de produire une BD irréprochable sur le plan historique.
Destinée à toutes les catégories de lecteurs elle sera également un « outil » pédagogique intégrant une partie documentaire.
L’éducation nationale, partie prenante de notre projet, proposera aux enseignants une fiche d’exploitation.
Et en complément, pour valoriser l’important et fondamental travail réalisé en amont par Jean-François Miniac un « making of » sera édité en simultané, par « les Ardents Éditeurs ».
Le dessinateur, Bruno Marivain, est venu également à Oradour, visualiser les lieux du récit écrit par Jean-François Miniac et préciser, grâce aux réponses de Robert Hébras, de nombreux détails graphiques.
Le scénariste et son dessinateur d’un commun accord ont contacté Nicolas Anspach qui dirige une maison d’édition belge et a publié de nombreuses BD historiques de grande qualité tant par le graphisme que par les dialogues.
L’éditeur connaissant « l’événement Oradour » a accepté avec enthousiasme leur proposition. Un contrat a été signé récemment.
En ce qui nous concerne, il est essentiel de préciser à nouveau que l’association est à l’initiative du projet, qu’elle veille à la rigueur du contenu historique et qu’elle n’a aucun but lucratif.

Aucune question n’est posée. Nous procédons au vote pour l’approbation de ce rapport d’activités.
Il est adopté à l’unanimité.

3 – Compte Rendu financier par les trésoriers Philippe Pommier et Henri Malinvaud
Philippe Pommier précise qu’avec la parenthèse du Covid, les recettes ont été très réduites et il y a eu quelques dépenses. OHVR est déficitaire. Les soldes sont négatifs mais les comptes sont sains.

4 – Compte Rendu des Vérificateurs aux comptes
Gérard Chambord lit le rapport établi par Jean-Luc Bayard et Gérard Chambord, vérificateurs aux Comptes.
Mesdames, Messieurs,
Conformément à la mission qui nous a été confiée, nous avons vérifié les comptes de l’association « ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation » pour la période de 01.01.2020 au 31.12.2020.
Tous les documents comptables nécessaires à notre examen ont été mis à notre disposition. Nous avons pu ainsi effectuer les contrôles et vérifications nécessaires. Des explications pertinentes et des justificatifs adéquats ont été fournis dans chaque cas.
Dès lors, nous sommes en mesure d’attester que les comptes de l’association « ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation » pour la période du 01.01.2020 au 31.12.2020 sont sincères et corrects. Ils se soldent par des recettes à hauteur de 550,00 € et des dépenses à hauteur de 955,48 €, soit un déficit de 400,48 €.
En conséquence, nous vous proposons d’approuver ces comptes tels qu’ils vous sont présentés.
En foi de quoi, nous avons rédigé le présent rapport.
À Limoges, le 24.02.2022
Le Compte rendu financier 2020 est adopté à l’unanimité

Mesdames, Messieurs,
Conformément à la mission qui nous a été confiée, nous avons vérifié les comptes de l’association « ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation » pour la période de 01.01.2021 au 31.12.2021.
Tous les documents comptables nécessaires à notre examen ont été mis à notre disposition. Nous avons pu ainsi effectuer les contrôles et vérifications nécessaires. Des explications pertinentes et des justificatifs adéquats ont été fournis dans chaque cas.
Dès lors, nous sommes en mesure d’attester que les comptes de l’association « ORADOUR. Histoire, Vigilance et Réconciliation » pour la période du 01.01.2021 au 31.12.2021 sont sincères et corrects. Ils se soldent par des recettes à hauteur de 690,00 € et des dépenses à hauteur de 1813,72 €, soit un déficit de 1123,72 €.
En conséquence, nous vous proposons d’approuver ces comptes tels qu’ils vous sont présentés.
En foi de quoi, nous avons rédigé le présent rapport.
À Limoges, le 24.02.2022
Le Compte rendu financier 2021 est adopté à l’unanimité

5 – Renouvellement du tiers sortant des membres du Conseil d’Administration :
Sylvie Codecco, Sandra Combeau, Palmira Desseix, Claudine Fourgnaud, Henri Malinvaud, Anne Marie Montaudon et François Thomas sont administrateurs sortants.
Ils se représentent à l’exception d’Anne Marie Montaudon et de François Thomas
Odile Danthieux est démissionnaire en 2020.

3 postes sont à pourvoir.
Il y a 3 nouvelles candidatures : Héloïse Belloir, Dominique Danthieux, Agathe Hébras
Les 5 membres sortants sont, réélus à l’unanimité.
Les 3 nouveaux candidats, sont élus à l’unanimité

Le Vérificateur aux Comptes sortant, Gérard Chambord se représente. Il est également réélu à l’unanimité

6 – Fixation du montant de la cotisation annuelle.
Le montant de la cotisation reste inchangé, à 10,00 €.

7 – Projets pour 2022
– La poursuite des ciné débats avec « Mademoiselle Marie »
– Des actions selon les circonstances
– Le suivi de la BD

8 – Questions diverses :
Claudine Fourgnaud souhaite connaître les projets de la municipalité concernant Oradour.
Philippe Lacroix précise qu’il y a un plan pluriannuel pour l’entretien des ruines. Il a été demandé que la somme allouée soit un peu plus conséquente compte tenu de la dégradation plus rapide du village martyr.
Les autres projets sont plutôt municipaux :
– Travail en coopération avec la ville d’Hersbruck en Moyenne Franconie. Benoit et Philippe s’y sont rendus en novembre pour mettre en place des projets culturels, scolaires et sportifs. Ils ont répondu présents à Fritz Körber. Les représentants de cette ville allemande seront accueillis pour la commémoration du 10 juin pour entamer des relations un peu plus approfondies dans cette perspective.
– La Communauté de communes a restitué la Maison d’Oradour à la mairie d’Oradour pour l’euro symbolique. Il n’est pas question d’y faire un projet mémoriel, il y a déjà le village martyr et le CMO dont la scénographie va être revue après le 10 juin 2024. Cette Maison d’Oradour doit être tournée vers l’avenir. La Commission Culture du conseil municipal, sous l’égide de Benoît Sadry, va travailler à l’élaboration d’un projet qui devra tenir compte à la fois de l’histoire de cette maison mais aussi des infrastructures particulières qui pourraient y voir le jour : salle de conférence, salle d’exposition, …Le projet doit être commun avec l’ANFM et le CMO.

L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 11h30.

La secrétaire de séance,
Sylvie Codecco

Mail : oradour.hvr@laposte.net
Site : http://wwww.oradourhvr.fr</span

Allocution du Président de l’ANFMOG le 10 juin 2022

Le 10 juin 2022 le Ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti, assistait à la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane.
Benoît Sadry, président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs et adhérent de l’association OHVR depuis 2012, nous autorise à publier le texte de son allocution.

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des délégations françaises et étrangères,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,

Monsieur le Garde des Sceaux, au nom de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane, qu’il m’est donné de représenter depuis quelques mois, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance pour avoir accepté de présider cette journée anniversaire.
Au cours de cet hommage aux victimes du massacre du 10 Juin 1944, vous pourrez vous rendre compte que le crime de guerre – qui a été méthodiquement exécuté ici il y a 78 ans – a profondément marqué notre commune, aussi bien dans l’esprit de ses habitants que dans la chair de ses familles.

Au-delà de l’abject massacre d’une population tranquille et innocente, Paul Eluard a parfaitement résumé l’horreur de cette tragédie lorsqu’il écrivait à son ami, le sculpteur espagnol Fenosa :
« Ici, des hommes firent à leurs mères et à toutes les femmes, la plus grave injure, ils n’épargnèrent pas les enfants ».
En mémoire des 152 écoliers de l’ancien village d’Oradour, les élèves d’aujourd’hui auront une place particulière tout au long de cette cérémonie. Je tiens à les remercier, ainsi que leurs enseignants, pour leur implication dans l’hommage qui va être rendu tout à l’heure.
Je tiens également à saluer la classe Défense de l’Institution Beaupeyrat de Limoges pour sa présence, ainsi que ses deux encadrants pour leur engagement à faire vivre le devoir de mémoire.

Si par le passé – et notamment dans la période préparatoire au procès qui s’est tenu à Bordeaux en 1953 – notre association a eu de multiples occasions d’aller rencontrer vos prédécesseurs à Paris, vous êtes seulement le second Ministre de la Justice à être accueilli à Oradour.

Pourtant, en jetant un regard sur les huit décennies passées, les mots « Justice » et « Oradour » semblent deux termes difficilement conciliables, et qui dans tous les cas ne vont pas de soi.
Il y a quelques années, un journaliste a utilisé l’expression « d’inaudible justice » dans le cas d’Oradour, c’est ce qui semble en effet le mieux correspondre à cette relation.
Lors des salutations du maire il y a quelques instants, vous avez pu être surpris de la présence importante de représentants venus d’Alsace, parmi lesquels une délégation de Strasbourg conduite par son maire, ainsi qu’une délégation d’élus de la ville de Schiltigheim. Leur présence ici aujourd’hui est particulièrement symbolique et rappelle à chacun d’entre nous la déchirure qui a existé entre nos deux régions pendant des décennies.

En effet, le 12 janvier 1953, quasiment neuf ans après les faits, devant le tribunal militaire de Bordeaux, 21 soldats ayant participé au massacre d’Oradour sous l’uniforme de la Division S.S. Das Reich étaient présentés à leurs juges. Le besoin de justice des familles – malgré les lenteurs de la procédure et les multiples renvois – était énorme.
Pour autant, s’agissant d’une juridiction militaire, les familles n’ont pas pu se constituer partie civile. Avant même qu’il ne débute, ce procès annonçait déjà pour elles et pour les survivants une succession de déceptions. En plus, aucun officier responsable ne figurait sur le banc des accusés, seuls un adjudant et un sergent se partageaient les plus hauts grades, tous les autres n’étant que de simples soldats.
Comble du malheur pour la France de l’après-guerre, treize de ces soldats étaient des Alsaciens.
Par les ondes avec la voix de Frédéric Pottecher, et dans les colonnes des journaux sous la plume de Jean-Marc Theolleyre par exemple, les Français ont suivi avec passion ce procès pendant près d’un mois.
Deux mémoires s’y sont confrontées, deux crimes de guerre subis par des Français s’y sont opposés – le massacre d’Oradour-sur-Glane d’un côté et, de l’autre, le drame de l’incorporation de force vécu par l’Alsace.
Après des débats tendus, et pourtant admirablement menés par le président Marcel Nussy Saint-Säens, le verdict prononcé le 13 février 1953 décevait tout le monde. A Oradour, les peines étaient jugées insuffisantes et trop clémentes. En Alsace, au contraire, la condamnation à des peines de 5 à 8 ans de prison pour les 13 incorporés de force étaient totalement inadmissibles.
Pendant près d’une semaine, la France s’est trouvée déchirée par ces deux crimes de guerre. Le 21 février 1953, alors que l’encre du jugement était à peine sèche, alors que déjà, en plein procès, le législateur avait modifié la loi sur la responsabilité collective de 1948, le Parlement votait – au nom de l’unité nationale – une loi d’amnistie en faveur des 13 condamnés alsaciens.

Dans le cas d’Oradour, ce qui rend l’amnistie choquante, c’est qu’elle supprime rétroactivement le caractère d’infraction des faits. A Bordeaux, quelques jours plus tôt, dans son réquisitoire devant le tribunal militaire, le lieutenant-colonel Gardon avait eu cette citation presque prémonitoire, qui résume parfaitement la situation juridique créée par l’amnistie, en reprenant l’image de cette scène du Richard III de Shakespeare, lorsque le duc de Gloucester, couvert du sang du roi, supplie la reine : « Dites que je ne l’ai pas tué ! », et la reine de répondre : « Dites qu’il n’est pas mort ».
A Oradour, la conséquence de cette amnistie a bien supprimé l’infraction. Dans l’esprit des gens d’ici, dans l’esprit des familles, ce massacre resterait à présent le symbole du crime impuni.
En réfléchissant, avec le recul des décennies, sur ces deux crimes de guerre, il apparaît que la grâce aurait pu ne pas avoir ici les mêmes conséquences. Elle aurait permis, en effet, d’affirmer officiellement qu’il y avait bien eu un crime commis à Oradour, mais qu’au nom de circonstances exceptionnelles – dans les faits, cet autre crime de guerre abominable que fut l’incorporation de force – une dispense de peine était obligatoire, voire même naturelle.

A Oradour, il résultera de cette amnistie une rupture des relations avec l’État qui compliquera singulièrement la renaissance de cette ville martyre. À l’exception notoire du Général de Gaulle, le 20 mai 1962, aucun représentant de l’État ne sera plus reçu officiellement jusqu’en 1971.
Dès le vote de la loi d’amnistie, l’Association Nationale des Familles des Martyrs rend la Croix de la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre attribuées aux victimes. Elle décide aussi de faire construire à ses frais un tombeau dans le cimetière pour recevoir les cendres des victimes et d’abandonner le monument érigé par l’État. Enfin, elle fait apposer à chaque entrée du village martyr la liste des parlementaires ayant voté la loi d’amnistie ainsi que les noms des 13 incorporés de force qui en avaient bénéficié.

Il faudra attendre le mois d’avril 1998, pour que de jeunes alsaciens soient accueillis au sein des familles d’Oradour. Malgré ce contexte douloureux entre nos deux provinces, un ancien « Malgré-nous » détenu en Russie au camp de Tambov, Charles Gantzer, avait souhaité de son vivant, rétablir le dialogue à la faveur d’un échange de jeunes.
Son initiative heureuse permit quelques mois plus tard au maire de Strasbourg de présider la cérémonie commémorative du 44ème anniversaire du massacre. Depuis, malgré ce passé difficile, les relations se sont apaisées tout en respectant la mémoire des victimes. Des élus d’Alsace ont su prendre le chemin d’Oradour, comme ceux d’ici ont su trouver celui de l’Alsace. En évoquant ces initiatives, je veux naturellement souligner, et saluer, la présence aujourd’hui des élus de Strasbourg et de Schiltigheim. Je veux aussi saluer Raymond Frugier, ancien maire d’Oradour, Marcel Darthout et Claude Milord, mes prédécesseurs, sans leur détermination et leur engagement, cette ouverture aurait été difficile.

La justice française n’a donc pas su apporter l’espérance qu’elle avait fait naître dans l’immédiat après-guerre au sein des familles. Par l’amnistie, le procès de Bordeaux fut discrédité et son souvenir déformé. Il en fut de même avec la justice allemande où, bien souvent, des raisons politiques, voire diplomatiques, ont empêché les tentatives de poursuite des criminels de la Division Das Reich.
Si notre amie allemande, l’historienne Andrea Erkenbrecher, nous a permis de connaître récemment toutes les actions qui ont été engagée en Allemagne de l’Ouest et en Allemagne de l’Est depuis la guerre, la justice rendue par les tribunaux allemands laisse cependant une certaine amertume et un sentiment d’inachevé.

D’une part, les plus hauts responsables du massacre, parmi lesquels le général S.S. Heinz Lammerding, n’ont jamais été inquiétés par la justice, ni jamais extradé malgré les demandes répétées de la France. Ce dernier – après avoir été entrepreneur dans le bâtiment toute sa vie – est mort en toute tranquillité dans son lit en 1971 à Düsseldorf.
Il faut attendre mai 1983 pour qu’un tribunal de Berlin-Est juge le sous-lieutenant Heinz Barth. Ce dernier reconnaît que le 10 Juin 1944 les ordres avait été donnés par le commandant Dickman, et qu’ils consistaient à détruire la localité et ses habitants, y compris femmes et enfants. Reconnu coupable, Barth fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Cependant, malgré ce jugement sévère, le condamné continua à bénéficier d’une pension d’anciens combattants. En raison d’une santé déclinante, il fut finalement remis en liberté en 1997.
Il mourut paisiblement à son domicile en août 2007.

En 2011, une nouvelle enquête est diligentée en Allemagne par le Parquet de Dortmund. Six soldats, encore en vie, voient leur domicile perquisitionné. Après plusieurs mois d’enquête, après une visite des ruines permettant encore de relever des impacts de balles sur certains murs, après l’audition de l’ensemble des témoins du massacre d’Oradour, le procureur Andreas Brendel inculpe, en 2013, l’un des mitrailleurs ayant participé, notamment, à l’exécution des hommes dans le Chais Denis et à celle des femmes et des enfants dans l’église. En juin 2015, malgré les éléments concordants apportés par le procureur, la Cour d’Appel de Cologne a prononcé un non-lieu en faveur de cet ancien S.S. estimant que sa participation ne pouvait pas être clairement établie.

Au final, on peut s’interroger sur ce que peut représenter la justice après un tel crime. Est-ce vraiment la justice au sens du droit appliqué que demande les victimes ? Est-ce qu’on ne court pas le risque d’être forcément déçu par la réponse qu’apportera la justice ? Et, au final, quel sens a la justice pour la nouvelle génération qui vit aujourd’hui à Oradour ?

Peut-être la réponse à ces questions était-elle déjà dans le message lu par le préfet régional, le 21 juin 1944, au cimetière où les victimes venaient d’être inhumées :
« Quelles que soient les raisons invoquées, rien ne peut justifier le caractère effroyable de ce drame, contraire à la convention de La Haye, contraire aux lois françaises et allemandes […]. Adieu, habitants d’Oradour-sur-Glane […]. Nous jurons sur vos tombes que nous ne reculeront devant aucun effort pour empêcher qu’à l’avenir d’autres subissent votre sort. Ce sera là toute notre raison d’être : que votre martyr serve à sauver les vivants ».
Dans des termes tout à fait similaires, le général de Gaulle, déclarait ici, quelques mois plus tard, le 4 mars 1945 :
« Oradour est le symbole des malheurs de la Patrie. Il convient d’en conserver le souvenir, car il ne faut plus jamais qu’un pareil malheur ne se reproduise ».

C’est le sens de l’hommage rendu aux victimes aujourd’hui, c’est le sens de notre engagement à porter leur mémoire, non pas seulement en se rappelant du martyre qu’elles ont subi, mais en portant leur souvenir pour que d’autres n’aient pas à vivre un tel calvaire.
De même, qu’en tirant les leçons des jours qui ont suivi la tragédie, d’autres – dans des circonstances semblables – puissent bénéficier d’un soutien psychologique qui fut oublié ici, d’une reconstruction de leurs habitations qui les prendrait en compte, d’une meilleure réponse à leur besoin de justice.
Aujourd’hui, par votre présence Monsieur le Ministre, avec les représentants de l’Alsace, avec Mme la Consule générale d’Allemagne, avec notre ami le maire de Dachau, Florian Hartman, avec une délégation importante d’élus du Bezirk de Moyenne Franconie, parmi lesquels notre ami le maire d’Hersbruck, Robert Ilg, avec toutes les délégations et le public présent, nous savons que le plus bel hommage, la meilleure justice que nous puissions rendre aux victimes d’un tel massacre 78 ans après, c’est de s’unir ensemble pour construire sur notre sol européen, un espace de paix et de sécurité.
Cette conviction, cet engagement européen, ont été ici renforcés par la visite, le 4 septembre 2013, du président allemand Joachim Gauck, accompagné de son homologue le président Hollande, venu officiellement reconnaître le crime de guerre perpétré ici par « une unité sous commandement allemand » afin que puisse naître « un chemin vers l’avenir, un avenir commun, un avenir pacifique et dans le partenariat entre la France et l’Allemagne ».
Ainsi, notre idéal européen, fondé sur la liberté, la dignité de l’homme, la justice et la solidarité, est né des cendres de la Seconde guerre mondiale. Avec les délégations présentes ici aujourd’hui, notre histoire européenne s’inscrit aussi bien dans les massacres d’Oradour et de Maillé, qu’à travers les déportés de Tulle à Dachaü, les détenus du Camp des Milles à Aix-en-Provence ou ceux du camp d’Hersbrück dépendant de celui de Flossenbürg.
Demain, il nous faudra aussi inclure dans cette histoire et dans cette mémoire européenne, les crimes perpétrés actuellement en Ukraine, les images de Boutcha ou de Kramatorsk nous rappellent tellement celles qu’Oradour donnaient à voir au lendemain du massacre.

Puissions-nous aujourd’hui, dans la cérémonie que nous allons vivre ensemble dans quelques minutes en mémoire des martyrs d’Oradour, avoir aussi une pensée pour les victimes civiles de ce conflit aux portes de l’Europe, ainsi que pour les victimes des attentats de Paris du 13 novembre 2015 dont le verdict du procès est attendu dans quelques jours.

Je vous remercie.

Benoît SADRY
Président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs

Oradour-sur-Glane, le 10 juin 2022

Le Ministre a assuré aux représentants des familles avoir entendu ce message fort, avoir conscience des manquements de la justice. Souhaitant s’exprimer officiellement pour l’Histoire, il a émis le vœu d’organiser une cérémonie à la Chancellerie avec les familles et descendants.

Ruines d’Oradour-sur-Glane : les conserver, pourquoi et comment ?

Le 21 novembre 2019, à l’espace Simone Veil, OHVR avait organisé la projection du film documentaire réalisé par Jérôme Amimer : « Récits d’Oradour ».
Marqué par le destin de sa grand-mère russe dont le village fut, comme Oradour, brûlé par les armées nazies, le réalisateur porte un regard grave sur les ruines filmées en plans longs et fixes en noir et blanc.
Ses visites régulières à Oradour lui ont permis de constater les transformations subies par les ruines sous l’effet des éléments naturels (gel, pluie, vent) et, aussi des travaux de consolidation menés pour les conserver. En accompagnant ses images, des commentaires délivrés par quatre intervenants n’ayant pas connu l’événement, Jérôme Amimer pose, à plusieurs voix, l’enjeu de la transmission, le questionnement entre le temps des témoins et celui de nouvelle générations pour qui le sens des ruines devra perdurer. D’où la nécessité et l’importance de leur conservation qui fut l’objet de la conférence présentée par Héloïse Belloir le 28 novembre.

Héloïse a soutenu en 2012 un mémoire « Les enjeux liés à la préservation du site d’Oradour-sur-Glane : conserver, informer, transmettre ».
Aussi après avoir dressé l’inventaire des destructions : 328 bâtiments incendiés la conférencière rappelle le processus qui conduisit à la promulgation de la loi spéciale du 10 mai 1946, relative à la conservation des ruines d’Oradour.
Cette loi, en classant l’ensemble des vestiges du village au registre des monuments historiques transfère la propriété des ruines à l’État, en interdit la destruction et oblige à mettre en œuvre des moyens financiers et techniques pour en assure l’entretien.
Héloïse insiste sur la particularité liée à cette conservation des ruines : il s’agit non de les restaurer mais de les maintenir « dans le meilleur état de destruction possible » (Jacques Duhamel ministre des Affaires culturelles de 1971 à 1973).
Pour ce faire, plusieurs politiques de conservation ont été menées jusqu’à nos jours. Héloïse les présente avec précision et rigueur en caractérisant chacune d’elle :
• de 1944 à 1966 les préoccupations essentielles sont le simple entretien des ruines et des jardins. Après les travaux de déblaiement il s’agissait de nettoyer et consolider les murs menacés d’effondrement, de renforcer les structures fragilisées. S’ajoutaient à ce programme l’entretien de la végétation qui reprenait ses droits et la construction d’un mur d’enceinte (de 1945 à 1947).
• de 1966 à 1983 l’entretien courant se poursuit et alterne avec de gros travaux ponctuels comme des purges ( la destruction de conduits de cheminée dangereux), de gros travaux de réparation (notamment sur la rue principale), la mise en place de barrières de protection pour interdire l’accès dans le cœur d’îlots instables. Malgré les mesures conservatoires engagées, les ruines se dégradent ce qui entraîne la définition de nouvelles politiques de conservation.
• ainsi de 1983 à 1993 le nouveau programme fixe deux objectifs et dégage deux axes d’intervention :
– garantir la sécurité des visiteurs par la mise en place d’un circuit de visite qui définit et privilégie les axes jugés majeurs.
– respecter la volonté du législateur de 1946 : « témoigner à travers le temps » en maintenant l’état des vestiges du massacre du 10 juin 1944.
Durant ces dix années la préservation prioritaire des façades des rues principales permet d’assurer une conservation indéniable de celles-ci au détriment des cœurs d’ilots. Elle accentue le contraste dans la sauvegarde des vestiges et provoque une nouvelle étude qui débouche sur un programme porteur d’une vision tournée vers l’avenir « pour témoigner devant les générations à venir ».
• en effet à partir de 1994 et jusqu’à la fin 2008 est envisagé un programme d’intervention sur le site découpé en 12 îlots incluant les parcelles intérieures, les arrières plans et les axes secondaires délaissés afin de privilégier une lecture générale du village.
Cependant en 1995 les budgets jugés trop conséquents sont revus à la baisse. À partir de cette date la conservation des ruines consiste, alors, à accompagner l’évolution inéluctable des ruines à l’échelle des îlots. L’État conserve, assure « une survivance douce » du site en concentrant ses efforts sur le quartier de l’Église porteur de l’essentiel du symbole.
Il faut, ici noter, les dégâts causés par la tempête de 1999 qui modifient totalement l’apparence du site exigeant de nouveaux travaux.
• depuis 2008, on ne pratique plus de gros travaux. Désormais les interventions s’inscrivent dans une politique d’entretien au coup par coup, essentiellement sur la maçonnerie, sur les espaces verts et sur l’Église qui occupe une place à part, parce que symbolique, dans la survivance du site.
En conclusion à cet exposé très documenté, Héloïse Belloir évoque quelques-unes des limites inhérentes à la conservation du site.
– La problématique de l’authenticité qui est au cœur de préoccupations d’ordre éthique, déontologique et esthétique.
– La dénaturation des vestiges : en voulant conjurer les effets du temps les interventions outrepassent le simple maintien en l’état et falsifient la lecture du site.
– Le constat que la disparition des vestiges s’accompagne d’une certaine perte de Mémoire du drame et de l’apparition de nouvelles lectures. Parmi ces dernières, citons une lecture ethnographique accentuée par la mise en place de plaques de couleur indiquant la profession des habitants. Cette signalétique ne fait plus référence au drame mais à l’histoire du village avant le drame.
Le Centre de la Mémoire ouvert depuis 1999 a vocation, entre autre, à remédier à ces limites en informant le visiteur par un récit historique et une incitation à une réflexion de paix liée à une recherche de vigilance permanente.
À la suite de ces deux manifestations, le public, très attentif et à la recherche d’informations, a longuement échangé avec le réalisateur Jérôme Amimer et la conférencière Héloïse Belloir.

Bernadette Malinvaud

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